Après avoir été considéré comme le « grand vainqueur » des élections législatives d’avril dernier, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s’est trouvé dans l’incapacité de former un gouvernement. De nouvelles élections seront donc organisées en septembre.
En annonçant qu’il renonçait à former un gouvernement et en proposant à l’Assemblée (Knesset) israélienne de voter son autodissolution, Benyamin Netanyahou a voulu empêcher que quiconque tente à son tour de construire une majorité. Il aurait en effet été possible, selon la Constitution israélienne, que le président Reuven Rivlin confie à un autre député la tâche d’essayer de former un gouvernement. Mais Netanyahou a préféré provoquer une nouvelle campagne électorale, « comme si l’essentiel pour lui n’était pas d’assurer le fonctionnement normal de la démocratie parlementaire mais de conserver, à tout prix, le pouvoir. »1
Ennuis judiciaires
L’avenir s’obscurcit pour Netanyahou, Premier ministre depuis mars 2009, qui avait avancé les précédentes élections législatives de plusieurs mois en raison d’ennuis judiciaires de plus en plus menaçants. Il s’agissait pour lui de s’assurer une victoire législative et la constitution d’une majorité à la Knesset qui lui aurait permis de faire adopter des lois d’immunité le protégeant personnellement face aux autorités judiciaires. Netanyahou est en effet sous le coup d’une mise en examen pour « fraude », « corruption » et « abus de confiance » dans trois différents dossiers. Et les délais pour organiser les futures élections et pour former, en cas de victoire du Premier ministre, un gouvernement, seront désormais trop courts pour lui éviter de devoir répondre aux convocations liées aux enquêtes en cours.
Si nul ne sait ce qui a pu se tramer exactement dans les couloirs lors des négociations entre Netanyahou et ses potentiels partenaires de droite et d’extrême droite, nul doute que l’un de ceux qui a fait capoter tout accord gouvernemental est Avigdor Lieberman, le tristement célèbre leader de la formation Israël Beitenou (« Notre maison Israël »), connu pour son racisme décomplexé et son passé de videur de boîte de nuit en Moldavie. Conscient de la fragilité de Netanyahou, Lieberman a joué la carte de l’inflexibilité quant à ses exigences, notamment l’abolition de l’exemption du service militaire pour les étudiants religieux, précipitant le renoncement du Premier ministre et sa décision de pousser à la convocation de nouvelles élections.
Rien de bon pour les PalestinienEs
Une chose est certaine toutefois, et ce même si Lieberman accuse Netanyahou d’être désormais dans le camp de la « gauche » (sic) : ce n’est pas à propos de la politique à mener vis-à-vis des PalestinienEs que l’accord a achoppé. La droite et l’extrême droite israéliennes ont en effet largement démontré, au cours des dernières années, qu’elles n’entendaient aucunement faire de quelconques concessions aux revendications nationales et démocratiques du peuple palestinien, bien au contraire. Poursuite de la colonisation, des annexions, de la répression, des bombardements sur Gaza : sur l’ensemble de ces politiques coloniales, malgré des nuances quant au degré de violence à employer, la droite et l’extrême droite ont su s’entendre.
Et ce n’est malheureusement pas du côté de celui qui a été présenté comme une alternative « centre-gauche », Benny Gantz, qu’un espoir quelconque résiderait pour les PalestinienEs, tant le consensus sioniste demeure au cœur de la vie politique israélienne. On se souviendra ainsi que Gantz, alors général de l’armée, est celui qui avait mené la meurtrière offensive « Bordure protectrice » contre la bande de Gaza à l’été 2014, ce dont il s’est vanté durant la campagne, se félicitant d’avoir permis d’éliminer 1 364 « terroristes », et avançant le slogan : « Seuls les forts sont victorieux ».
Ainsi, si Israël s’enfonce dans la crise politique, c’est avant tout en raison de la décomposition du champ et de la classe politiques du pays, et des rivalités qui s’aiguisent à mesure que la chute de Netanyahou apparaît inéluctable. Une actualité à suivre, mais sans illusion quant à la possibilité que cette crise puisse déboucher sur l’avènement d’un pouvoir moins brutal à l’égard des PalestinienEs.
Julien Salingue