Publié le Vendredi 2 août 2013 à 11h12.

Israël Palestine USA : On prend les mêmes et on recommence ?

Le 19 juillet dernier, John Kerry a annoncé qu’il avait obtenu l’accord de principe de représentants palestiniens et israéliens pour qu’un nouveau « cycle de négociations » s’ouvre. Et d’aucuns d’espérer que ce qui a échoué depuis 20 ans, à savoir des discussions bilatérales entre Israël et les Palestiniens sous le patronage des États-Unis, réussisse.Une fois de plus, l’État d’Israël joue la carte des « concessions douloureuses ». De quoi s’agit-il ? De montrer au monde ses dispositions à négocier en accomplissant des « gestes » de bonne volonté. Par le passé, Israël a souvent, dans ces circonstances, démantelé une ou deux colonies « sauvages » (regroupant quelques dizaines d’habitants), ou allégé le dispositif de bouclage qui asphyxie la Cisjordanie et Gaza. 

Quelles concessions ?Cette fois-ci, le gouvernement israélien s’est engagé à libérer 104 prisonniers palestiniens dont la plupart ont été condamnés pour des crimes de sang.Parlons chiffres : 104 prisonniers, c’est 2 % du nombre de Palestiniens détenus dans les geôles israéliennes (5 000), et moins de 10 % du nombre de prisonniers échangés lors de la libération de Gilad Shalit (1 077). Parlons faits : ces prisonniers ont tous été enfermés avant la signature des Accords d’Oslo (1993-1994), et auraient dû être libérés dans le cadre du « processus de paix ». En résumé, Israël se contente de respecter très partiellement, 20 ans après, l’une de ses rares obligations, et prétend qu’il s’agit là d’une concession.Que demandaient les Palestiniens ? Deux conditions minimales : un gel de la colonisation et l’assurance que les négociations se dérouleraient sur la base des « frontières de 1967 ». Israël s’est contenté d’affirmer qu’il n’y aurait pas de conditions aux négociations, et John Kerry a promis aux Palestiniens qu’Israël ferait preuve de « retenue » dans la construction des colonies et que les « frontières de 1967 » feraient partie des « paramètres » des discussions. On croit rêver...

Une direction de l’AP aux abois Mais tout cela n’a pas suffi à décourager la direction de l’Autorité palestinienne de Ramallah, qui a accepté le principe d’une reprise des discussions et d’une première rencontre avec Tzipi Livni, en charge des négociations pour le gouvernement israélien. Rappelons que Livni était ministre des affaires étrangères lors des massacres commis à Gaza à l’hiver 2008-2009 et qu’elle représente aujourd’hui un gouvernement au sein duquel Ariel Sharon ferait aujourd’hui figure de dangereux gauchiste...Mais Mahmoud Abbas et ses proches ont dit oui. Pourquoi ? Cette direction, non-élue, qui a depuis bien des années capitulé et accepte sans broncher la poursuite de la colonisation et de la construction du mur, le blocus sur Gaza et la coopération sécuritaire avec Israël, ne croit certainement pas à la possibilité d’obtenir un accord satisfaisant. Mais sa survie est en jeu, et pour cela, elle est prête à tout. Elle est en effet en situation d’isolement diplomatique et de banqueroute économique, incapable de payer les salaires de ses fonctionnaires, et a notamment obtenu de la part de John Kerry la promesse d’un « plan Marshall » pour les territoires palestiniens, d’un montant de 3 milliards d’euros. 

La farce diplomatiqueCertains esprits chagrins feront remarquer que toute personne sensée aurait bondi à l’idée que le Plan Marshall soit proposé alors que l’occupation allemande avait toujours cours. D’autres souligneront le fait que Gaza est, une fois de plus, absente des discussions. D’autres encore constateront que le Hamas, première force politique palestinienne lors des dernières élections législatives, est exclu des discussions. D’autres enfin insisteront sur le fait que les États-Unis, qui se posent en arbitre du conflit opposant Israël aux Palestiniens, sont en réalité l’entraîneur et le sponsor de l’une des deux équipes.Mais cela ne suffira sans doute pas à empêcher qu’une nouvelle farce diplomatique se déroule sous nos yeux tandis que la tragédie se poursuit sur le terrain. Contestée par la majorité des forces politiques palestiniennes, la direction Abbas n’a pas hésité à faire réprimer violemment une manifestation organisée à Ramallah contre la reprise des négociations, au cours de laquelle Khalida Jarrar, député du FPLP, a été blessée. Mais il y a peu de chances que cette direction réussisse à vendre aux Palestiniens la fable selon laquelle lorsque l’on est dans une impasse, il faut continuer dans la même direction.

Julien Salingue