Il est difficile, en trois coups de crayon, de décrire la situation de l’Italie dans cette période de transition vers l’après-Covid, surtout parce que le virus – comme dans le reste de la planète – est toujours là. Et ça reste le problème principal, lourd de conséquences.
Après les mesures exceptionnelles de mars-juin, l’époque des morts et du lockdown, on se retrouve aujourd’hui dans un moment étrange, dominé par les messages mainstream de tranquillité, paradoxalement contraires à la sensation d’alarme que répandent l’augmentation croissante des contaminations et surtout l’évidence que les quelques mois écoulés n’ont pas servi à renforcer les secteurs les plus faibles du système : la santé et l’éducation.
Une « reprise » à grand risque
La santé publique, malgré la rhétorique sur les « héros », continue sa chute vertigineuse vers la privatisation et l’effondrement. En fait, aucune nouvelle embauche de médecins ou de personnel de santé n’a été garantie malgré les alarmes sur la reprise de la pandémie à l’automne. Dans le secteur de l’éducation, c’est encore pire : alors qu’on rouvre les écoles et les universités, l’incurie gouvernementale règne. Le gouvernement s’est refusé à régulariser les dizaines de milliers de précaires qui avaient déjà trois ans d’enseignement et, plus généralement, les travailleurEs précaires de l’école (qui sont des centaines de milliers et qui représentent environ 20 % du personnel) ont vu leur situation empirer ; rien n’a été fait pour développer les structures scolaires et l’argent alloué à la sécurité a surtout été gaspillé.
La « reprise » de l’automne s’annonce donc comme totalement à risque ; risque accepté avec désinvolture et cynisme par la classe dirigeante. La dépendance du gouvernement envers les décisions et l’idéologie ultra-libérale de la Confindustria1, déjà évidente pendant les semaines les plus chaudes du coronavirus, atteint des niveaux préoccupants. Dans tout le pays, la précarité et l’incertitude face à l’avenir augmentent rapidement. La consommation des ménages est en forte baisse (9 %) et le PIB national a chuté à peu près du même pourcentage. Et la fin de l’interdiction des licenciements, décrétée en mars, est prévue entre novembre et décembre. C’est-à-dire que les entreprises pourront licencier sans trop de problèmes les employéEs qui jusqu’à présent avaient touché le chômage technique. Cela peut entraîner un désastre social énorme, d’autant plus que ce sont 500 000 postes de travail qui ont été malgré tout perdus ces derniers mois.
La politique suit son cours
La politique, cependant, suit son cours sans trop de remous. Des élections locales auront lieu dans certaines régions le week-end des 20 et 21 septembre, constituant de fait un test pour la stabilité gouvernementale. Il est fort possible que la droite et l’extrême droite regroupent les nombreux mécontents des politiques de ces derniers mois.
L’un des faits significatifs de ces élections c’est que, malheureusement, la gauche de classe se présente encore une fois divisée, sans pouvoir mettre sur pied une proposition unitaire au plan national. Il n’y a qu’en Toscane qu’elle présente – après des tractations épuisantes – une liste unitaire ; dans les autres régions, on assiste à de nombreuses divisions.
Et ceci au moment où le caractère dramatique de la situation demanderait au moins une réflexion commune sur quelques points d’accord à peu près évidents. La campagne en défense de la Santé publique lancée par quelques-unes des organisations de la gauche (dont Rifondazione, Potere al Popolo et Sinistra anticapitalista) est un élément positif, mais elle n’a pas réussi, du moins jusqu’à présent, à changer ces dynamiques.
Traduction Bernard Chamayou
- 1. Medef italien.