Publié le Mercredi 12 février 2014 à 09h47.

JO de Sotchi : Poutine le grand et hypocrisie officielle

Vladimir Poutine a donc ses jeux. Une belle démonstration de la puissance retrouvée tant sur le plan économique que diplomatique. Le Cio lui offre de bon cœur ce magnifique cadeau pour vanter ses propres mérites comme ceux de la Russie éternelle... L’instance internationale n’est pas très regardante sur la morale, du moment qu’elle y trouve son compte...

«Je déplore le double langage qui consiste à vendre des trains, des avions de chasse ou des bateaux de guerre à certains pays pour snober ensuite la cérémonie d’ouverture d’un événement sportif d’envergure mondiale qui y a lieu. Il faut être pragmatique si l’on veut exporter, garder nos usines ouvertes… » Pour insupportables que puissent sembler les propos de Jean-Claude Killy, président de la commission de coordination des Jeux Olympiques, sa franchise vient casser les reins des minables contorsions du gouvernement. Comment nous faire gober la « préoccupation » française face à la récente loi contre « la propagande homosexuelle », voire même le rôle de Moscou en Ukraine ou en Syrie ? L’absence de François Hollande en semble presque comique d’autant plus que la cérémonie d’ouverture des JO d’hiver n’a jamais été, contrairement à leur grand frère estival, un passage obligé pour les chefs d’État. Il est aussi surtout vrai que le mouvement olympique n’a pas vraiment de leçon de cynisme à donner au monde politique. La charte olympique sert plus à indiquer le cahier des charges au pays hôte qu’à promouvoir des valeurs universelles. Les belles déclarations victorieuses sur les garanties obtenues dans les strictes limites du village olympique pour les sportifs gays et leurs « accompagnateurs » rappellent, toute proportion gardée, la saisissante fausse naïveté du CIO qui en 1936 se vantait des gages donnés par Hitler quant aux athlètes juifs. Les tenants de la critique du sport, rassemblés dans la revue Quel sport ? peuvent dès lors, à raison, souligner l’hypocrisie générale et ambiante : « Est-il, dès lors, moralement acceptable d’invoquer le "droit" des athlètes à "réaliser leurs rêves" au prix d’une présence complice au banquet olympique d’un autocrate sans scrupule ? Est-il souhaitable que les régimes parlementaires occidentaux sacrifient une fois encore les valeurs humanistes et les droits de l’homme sur l’autel des performances sportives et des intérêts des multinationales ?(...) Pour Sotchi comme pour Pékin, Séoul, Moscou ou Berlin auparavant, les vrais héros de l’olympisme seront ceux qui ne participeront pas à la légitimation d’une dictature. »

L’universalisme... du fricIl existe d’autres réalités masquées au-delà de ces considérations politiques. Les JO d’hiver, peut-être encore plus que ceux d’été,  révèlent la question de l’utilité sociale de cet événement.  Quel universalisme pour une discipline comme le biathlon, quelle pérennité pour une piste de saut à ski ? Sans oublier l’impact écologique dramatique d’une telle débauche de béton en pleine nature. Car en l’occurrence, ces jeux les plus chers de l’histoire (on parle de 42 milliards d’euros en tout) ont profondément défiguré le paysage. Le CIO n’a jamais prétendu servir les peuples, mais l’intérêt « supérieur » du sport. D’où ce pseudo-vernis apolitique qui passe si bien dans les médias et cette capacité à imposer ses diktats aux États, tout en prenant bien soin de ne pas « interférer » dans leurs « affaires intérieures ». En 1956, le mouvement olympique ne se soucia, depuis Sydney, que du sort de la délégation hongroise pendant le carnage de Budapest. Aujourd’hui sa crainte du « terrorisme » cache son refus de poser les questions qui fâchent sur la situation au Caucase ou sur la conception de la « démocratie » de ce si sympathique et sportif maître du Kremlin. En cela le sport n’est certainement pas l’opium du peuple (ou alors plutôt un lithium) pas plus qu’une nouvelle religion. Juste une belle entreprise très rentable avec ses petites spécificités et ses grandes largesses, qui sait payer de son silence la générosité de ses hôtes, tout en essayant de conserver sa clientèle captive. Préparez-vous, dans quatre ans, la Russie accueille le mondial de foot…

King Martov