Samedi 3 avril, le demi-frère du roi de Jordanie a été accusé de complot et plusieurs personnalités ont été arrêtées. Au-delà de rivalités familiales, le royaume a toujours été une construction fragile tandis que la contestation populaire d’un régime arbitraire et corrompu est de plus en plus forte.
Il y a 100 ans, en avril 1921, était créé l’émirat de Transjordanie. Après la Première Guerre mondiale, les impérialismes britannique et français avaient mis la main sur les territoires relevant précédemment de l’empire ottoman. Il s’agissait pour chaque impérialisme de mettre la main sur une plus grande portion du gâteau et d’y stabiliser sa domination. À cette fin, la région fut redécoupée en plusieurs États vassaux, les uns de la France, les autres de l’empire britannique.
Les frontières des nouveaux États ont été dessinées plus ou moins arbitrairement sans guère se soucier de l’héritage historique, ni même des limites des circonscriptions administratives du temps de la domination turque, et bien entendu des aspirations des populations. Parmi les nouveaux États, la Transjordanie (« au-delà du Jourdain ») était sans doute le moins ancré dans le passé. Après une période d’incertitude, Abdallah, un des représentants de la lignée Hachémite (alliée de l’Angleterre durant la guerre) mit la main sur ce territoire, globalement pauvre et peu peuplé, et en devint le souverain en avril 1921.
Ceux qui lui succédèrent se comportèrent tous en alliés loyaux de l’impérialisme britannique, puis américain. En 1948, ils profitèrent de la constitution d’Israël pour s’emparer de territoires palestiniens de l’autre côté du Jourdain, d’où le nouveau nom de Jordanie. Ils perdirent ces territoires après la guerre de 1967 et l’avancée de la domination israélienne. En septembre 1970, les troupes jordaniennes s’affrontèrent aux combattants palestiniens ; des milliers de Palestiniens furent tués.
Après des décennies de loi martiale et de répression de toute contestation, l’actuel roi de Jordanie, Abdallah II, règne sur une monarchie pseudo-constitutionnelle, un État pauvre, dépendant de l’aide étrangère et rongé par la corruption. Si la répression est plus discrète que dans d’autres États de la région, la police secrète est un rouage central du contrôle de la population. Les partis politiques ont des possibilités d’action limitées. Les médias sont largement domestiqués et les voix critiques discréditées et marginalisées. Suite aux révolutions arabes, un nouveau cycle de protestations populaires a démarré en 2011 et un mouvement syndical indépendant s’est développé. Le mécontentement social s’est amplifié en 2019-2020 autour des enseignants dont le syndicat a été dissous en juillet dernier.