Publié le Jeudi 24 juin 2010 à 13h59.

Kirghizistan.

Plus de 2 000 Ouzbeks tués, plusieurs centaines de milliers déplacés... l’instrumentalisation ethnique des conflits sociaux au sud du pays a provoqué une catastrophe. Deux mois après l’insurrection populaire qui a renversé le président Bakiev, ces pogroms sont le fruit de la désorientation politique. Les préoccupations du gouvernement provisoire sont en effet à mille lieux de celles des pauvres, qui avaient pris d’assaut le palais présidentiel le 8 avril dernier. Ils refusaient les augmentations démentielles des prix des services publics et aspiraient à des logements, soit une répartition plus égalitaire du produit national et des terres. Seule la nationalisation de ce qui a été privatisé depuis 1992, sous le contrôle des conseils populaires naissants, aurait pu commencer à satisfaire ces aspirations et unifier la population engagée dans la transformation sociale. Mais le gouvernement provisoire, sous la direction de Rosa Otumbaeva, une diplomate versée dans la culture entrepreneuriale occidentale, a rapidement adopté un décret de protection des investisseurs étrangers, a mis fin à l’occupation des terres par les sans-abris et a cherché une légitimité au travers d’une nouvelle Constitution. Ce n’est que le 7 juin que le décret nationalisant l’AsiaUniversalBank, contrôlé par le fils du président déchu, a été signé alors que les propriétés privatisées par Bakiev font l’objet de longues investigations. Les mafias liés à Bakiev ont pu ainsi reprendre l’initiative, organisant des agressions « kirghizes » contre des Ouzbeks et « ouzbeks » contre des Kirghizes, qui ont provoqué les affrontements sanglants entre les pauvres désemparés dans la partie du pays où la population était restée spectatrice de l’insurrection d’avril.