Les images de jeunes Palestiniens lançant des pierres sur les forces armées israéliennes ont fait leur retour sur les écrans de télévision. Et alors que la « communauté internationale » multiplie les « appels au calme », rien ne semble indiquer que la situation dans les territoires palestiniens occupés va s’apaiser dans les jours et les semaines qui viennent. En effet, les motivations des Palestiniens qui descendent dans les rues ne sont pas seulement, comme certains semblent vouloir le croire, conjoncturelles. Certes, les récentes annonces des autorités israéliennes (inscription de deux lieux saints de Cisjordanie au patrimoine culturel israélien, inauguration d’une synagogue au cœur de la vieille ville de Jérusalem, construction de 1 600 nouveaux logements dans les colonies de Jérusalem-Est…) ont joué un rôle d’étincelle. Mais les raisons de la colère sont profondes et quiconque pense que quelques « déclarations d’apaisement » et autres « gestes de bonne volonté » peuvent permettre un « retour à la normale » se trompent lourdement. L’attention se focalise notamment autour de Jérusalem. Conquise militairement en 1967 par Israël, la partie arabe de la ville a depuis fait l’objet d’une politique de judaïsation, dont l’objectif est de contrer toute revendication de souveraineté palestinienne sur ce qu’Israël présente comme sa « capitale une et indivisible ». Cette politique passe par de multiples biais : colonisation systématique, refus de laisser les quartiers palestiniens se développer, retrait des cartes de résident à des milliers de Palestiniens… Après 1967, les autorités israéliennes n’ont classé que 13 % de Jérusalem-Est comme « zone constructible » pour les Palestiniens, contre 35 % pour la colonisation. Les colonies ont poussé comme des champignons (près de 200 000 colons aujourd’hui) tandis que les Palestiniens recevaient les permis de construire au compte-gouttes. Au cours des dix dernières années, les Palestiniens en ont obtenu moins de 200 par an, alors qu’ils en ont besoin de dix fois plus pour absorber la croissance de la population. Ils construisent donc de manière « illégale » et s’exposent à des démolitions : 103 destructions en 2009, facturées aux familles. Aujourd’hui plus de 60 000 Palestiniens de Jérusalem vivent dans des logements considérés comme « illégaux » par Israël et sont sous la menace d’un ordre de démolition. Les Palestiniens de Jérusalem ont un statut juridique particulier : ils sont porteurs d’une « carte de résident » qui leur permet, entre autres, de voter aux élections municipales ou de travailler en Israël. Mais l’obtention, la conservation ou le renouvellement de cette carte est un véritable parcours du combattant et nombre de Palestiniens perdent leur statut de résident chaque année : dossier incomplet (douze documents administratifs sont nécessaires dans certains cas), absence prolongée, condamnations pénales… Tous les motifs sont bons pour les déchoir de leur statut de résident. En 2008, chiffre sans précédent, 4 577 Palestiniens ont perdu ce statut et ne peuvent plus, de fait, vivre ou accéder à Jérusalem. Les récentes annonces israéliennes ne sont donc pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Sinon comment comprendre que, le 6 mars dernier, plus de 3 000 manifestants aient défilé à Jérusalem contre la « judaïsation de la ville » et le « nettoyage ethnique » ? Et comment comprendre les nombreuses mobilisations, au cours des derniers mois, contre les menaces de destruction de maisons et contre les expulsions de résidents palestiniens ? Ce qui se passe à Jérusalem est à l’image de ce qui se passe dans l’ensemble des territoires occupés : d’un côté un renforcement de l’emprise israélienne ; de l’autre une remobilisation de la population palestinienne. Sommes-nous au début d’une « 3e Intifada » ? Il est trop tôt pour répondre à cette question, mais il est néanmoins évident que nombre de conditions sont réunies pour qu’une fois de plus les Palestiniens fassent ostensiblement valoir leurs droits. Julien Salingue