Publié le Mercredi 6 février 2019 à 10h48.

La crise du Brexit se poursuit

Le résultat dangereux des manigances qui ont eu lieu à la Chambre des Communes le 29 janvier dernier est que la Grande-Bretagne reste sur la bonne voie pour une sortie de l’UE, en catastrophe et sans accord, le 30 mars. Cette situation provoque un vif débat tant parmi les travaillistes que dans l'extrême gauche. Le point de vue de nos camarades de Socialist Resistance.

L’accord de divorce du Brexit négocié par Theresa May en décembre avec l’UE a été rejeté par une majorité écrasante de 230 voix le 15 janvier dernier. Mais deux semaines plus tard, May tourne le dos à son accord et se précipite dans les bras de la droite dure des Tories, c’est-à-dire Rees Mogg et son European Research Group. Le Parlement a donc voté de retourner à Bruxelles pour exiger des changements fondamentaux dans l’accord, sur la question de la frontière britannique en Irlande. Après avoir dit pendant des mois que l’accord de sortie de l’UE ne pouvait pas être renégocié, May fait volte-face et a propose maintenant de le faire. 

Vers une sortie désordonnée de l’UE

L’UE a rejeté la proposition de May dans les minutes qui ont suivi le vote, affirmant que l’accord de divorce, négocié sur deux ans, n’est pas négociable et ne sera pas rouvert. Dans le monde imaginaire du European Research Group, quitter l’UE dans les conditions actuelles est simple et sans problème. Il estime aussi que l’accord, avec une frontière ouverte en Irlande n’a rien à voir avec la protection contre une rupture de l’accord du « Good Friday » qui mis fin a la guerre civile dans le Nord, mais constitue un complot de l’UE pour saboter le Brexit.

Le vote du 29 janvier a réuni brièvement le Parti conservateur, mais n’a rien résolu. Le résultat est que la stratégie sous-jacente de May, de concert avec le European Research Group, consiste à continuer jusqu’à ce qu’une sortie de l’UE désordonnée et sans accord devienne inévitable le 30 mars.

L’amendement de la députée du Labour Yvette Cooper, qui prolongerait le délai du 30 mars pour éviter un Brexit sans accord et continuer des négociations, a été rejeté avec 14 députés du Labour qui ont voté avec le gouvernement. Un autre amendement de la députée conservatrice Carolyne Spelman, qui réclamait l’exclusion d’un Brexit sans accord, a été adopté de justesse par 8 voix, avec l’appui de Corbyn et du Labour Party. La réponse de Jeremy Corbyn a été de dire que maintenant que l’amendement Spelman avait éliminé la possibilité d’un Brexit sans accord, il était prêt à accepter l’invitation de May pour des pourparlers multi­partites complètement dénués de sens. C’est une grave erreur de lecture. L’amendement Spelman, qui exclut un Brexit sans accord, sera totalement ignoré par Theresa May à l’approche du 30 mars parce qu’elle préfère maintenir à tout prix l’unité du parti conservateur.

Un piège pour le Labour

Pire encore, le fait que le Labour continue de prétendre pouvoir obtenir un meilleur accord que celui négocié par Theresa May le maintient fermement dans le camp du Brexit, alors qu’il n’y a pas de Brexit de gauche possible dans la situation actuelle. Le Brexit est aujourd’hui un projet de la droite nationaliste et xénophobe qui veut, comme Trump, fermer les frontières et refouler les migrantEs et les étrangerEs en général. De plus, le Brexit, surtout sans accord, créera une crise économique avec les entreprises qui déménageront dans le reste de l’UE, avec les conséquences inévitable de chômage et d’austérité.

Il est illusoire de penser que le Brexit offrirait des opportunités à un nouveau gouvernement travailliste alors qu’il serait aux prises avec le chaos qui s’ensuivrait. L’extrême droite verra le Brexit comme une victoire. Cela lui redonnera confiance et créera d’énormes difficultés pour un gouvernement dirigé par Corbyn. Le Parti conservateur serait puni s’il avait un Brexit sans accord, mais l’extrême droite nationaliste en sortirait renforcée. Si les travaillistes coopéraient pour faciliter un quelconque Brexit dans la situation politique actuelle, que ce soit avec les conservateurs ou en son nom propre, ils seraient tenus pour responsables des conséquences désastreuses.

Frédéric Leplat