« Je suis d'une génération qui n'a jamais connu l'Afrique comme un continent colonisé » : ces mots ont été prononcés par Emmanuel Macron, le 28 novembre, au premier jour de sa tournée africaine, devant 800 étudiantEs réunis à l’Université de Ouagadougou. Et d’ajouter, suivant le célèbre principe selon lequel « plus c’est gros, plus ça passe » : « Je ne suis pas venu ici vous dire quelle est la politique africaine de la France, comme d'aucuns le prétendent, parce qu'il n'y a plus de politique africaine de la France ».
Le moins que l’on puisse dire est que Macron ne manque pas d’air, lui qui se trouve à la tête d’un État dont la politique néocoloniale sur le continent africain, connue sous le nom de « Françafrique », est dénoncée depuis des décennies. La veille de cette visite, l’association Survie publiait ainsi un rapport, consacré à « la coopération militaire et policière entre la France et des États africains », démontrant une fois de plus que, malgré les discours, la France n’en a pas fini avec son soutien diplomatique et militaire à des régimes dictatoriaux, brutaux et corrompus.
Exemple parmi bien d’autres, « au Cameroun, l’ambassadeur de France, lui-même militaire, a remis des décorations françaises à des représentants des forces de l’ordre camerounaises à l’occasion des commémorations du 11 novembre, soit juste après qu’elles aient tué entre 40 et 100 personnes lors de la répression des manifestations dans les régions anglophones. » Il y a certaines habitudes qui ne changent pas…
Présence militaire directe, interventions ponctuelles en défense de régimes « amis », formation des forces armées de régimes autocratiques, silence complice face à des épisodes répressifs sanglants : la liste est longue des agissements de la France qui, toujours au nom de la « lutte contre le terrorisme » ou du « maintien de la stabilité », contribuent avant tout à préserver les intérêts de la France, au mépris des populations locales et pour le plus grand bonheur de grands groupes français comme Bolloré ou Veolia.
La domination française, qui s’incarne notamment dans le franc CFA, survivance coloniale qui place 14 pays et près de 155 millions de personnes dans une situation de servitude monétaire à l’égard de la France, ne fait pas partie du passé. La France prend toujours une part active au pillage du continent africain et porte une responsabilité centrale dans nombre des tragédies qui s’y déroulent. En niant cette réalité, Macron s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs et nous rappelle que le combat contre la Françafrique est toujours d’actualité.
Julien Salingue