Le vote de la loi sur les hydrocarbures fait franchir un cap dans l’affrontement entre le hirak et le pouvoir. Celui-ci cherche le soutien des puissances impérialistes pour imposer la présidentielle du 12 décembre. Entretien avec Kamel Aïssat, du Parti socialiste des travailleurs.
Peux-tu nous expliquer la loi sur les hydrocarbures ?
La nouvelle loi sur les hydrocarbures et la loi de finances, à laquelle il faut ajouter un projet, pas encore rendu public, de réforme des retraites, font dire au peuple qu’il y a un bradage, une politique de la terre brûlée de la part du gouvernement, avant sa chute.
La nouvelle loi sur les hydrocarbures aurait pour objectif d’augmenter la production de pétrole pour faire face à la chute des prix. Mais c’est en réalité une loi qui augmente les avantages offerts aux multinationales pour les explorations, le périmètre octroyé, la durée des permis, les taxes revues à la baisse.
Si on laisse les multinationales gérer, les richesses vont s’épuiser en quelques années car ce sera géré de façon irrationnelle. La nouvelle loi va à l’encontre de la souveraineté de l’Algérie sur son sous-sol. Le peuple l’a compris, à l’image de la campagne menée contre l’exploitation du gaz de schiste, massivement rejetée par les populations du sud algérien. C’est une privatisation des richesses qui ne dit pas son nom.
Cette politique de la terre brûlée sera refusée. La population veut dire aux multinationales et aux impérialistes que, quels que soient les accords signés, ils ne seront pas respectés quand le peuple exercera sa pleine souveraineté. La population a intégré que le pouvoir ne compte plus que sur le soutien des pays impérialistes et des grandes multinationales pour se maintenir.
Comment le pouvoir avance-t-il sur la présidentielle ?
Le passage en force du pouvoir pour imposer l’élection présidentielle du 12 décembre intervient dans ce contexte. Les candidats annoncés sont inexistants sur la scène politique. La loi exige le parrainage de 60 000 personnes mais on ne voit aucune trace de ces parrainages donc on se pose des questions sur leur origine… Le passage en force est de plus en plus remis en cause, je pense qu’il est en train de pencher vers l’annulation des élections. Nous attendons cependant des évolutions la semaine prochaine, avec des initiatives annoncées par des cercles institutionnels pour une sortie de crise.
La répression s’est accentuée. Elle est systématique dans les manifestations, aux quatre coins de l’Algérie, et de plus en plus violente.
Quelle est la réaction de la population ?
L’accentuation de la répression crée une mobilisation de plus en plus grande. Un des slogans qui émerge dans les manifestations est : « Vous pouvez nous prendre tous, on ne s’arrêtera pas ».
Beaucoup de grèves ont lieu en lien avec le mouvement ou sur des revendications propres, notamment pour des augmentations de salaires ou face au non-paiement des salaires dans les entreprises des oligarques dont les comptes sont gelés. Ce renouveau n’est pas accompagné par les directions syndicales, qui sont en retard.
Les grèves politiques concernent seulement Bejaïa pour l’instant. Il y a un appel autour du Pacte pour l’alternative démocratique, qui regroupe des syndicats, partis, associations et personnalités qui considèrent qu’il faut unifier les actions, un jour par semaine, pour rejoindre la mobilisation permanente des étudiantEs et travailleurEs des universités, par une grève générale.
Le but est de créer un effet boule de neige sur les autres départements, les autres secteurs. Il y a de quoi être optimistes !
Propos recueillis par Antoine Larrache