Publié le Mercredi 10 juin 2020 à 09h18.

La question de l’exclusion des syndicats policiers de l’AFL-CIO, aux États-Unis

Le Comité exécutif du MLK Labour (Martin Luther King County Labor Council) fédère plus de 150 syndicats rassemblant 100 000 travailleurEs dans la région de Seattle (Washington). Il a adopté, jeudi 4 juin, une résolution fixant un ultimatum à la Seattle Police Officers Guild (la Guilde des fonctionnaires de police de Seattle) : soit elle engage la lutte contre le racisme systémique de la police de Seattle, soit elle assume le risque d’une exclusion.La Police Officers Guild représente les agents de police de Seattle. Elle négocie leurs contrats de travail. Elle fait partie du MLK Labour depuis six ans.La résolution souligne : « Contrairement à la déclaration [de la Guilde], les événements récents ne sont pas dus à quelques "malfaiteurs" ». La résolution affirme clairement : « Nos policiers sont suréquipés d’armes mais dépourvus d’outils pour démanteler le racisme dans leurs propres rangs ou pour fournir les services dont notre communauté a besoin. »

La résolution exige, avant quinze jours, une rencontre entre les membres de la Guilde et le Comité exécutif, leur participation à un atelier de lutte contre le racisme institutionnel et les met en garde sur le fait que « leurs contrats ne leur permettent pas d’échapper à leur responsabilité légale ». Le Comité exécutif donne jusqu’au 17 juin à la Guilde pour adopter ces mesures. Faute de quoi, il se prononcera sur l’opportunité d’exclure la Guilde.

« La réponse n’est pas d’exclure et de condamner »

Toutefois, les animateurs des manifestations doutent que les services de police puissent être réformés ou « enjoints » à lutter efficacement par eux-mêmes contre le racisme systémique.

Par sa remise en question d’un syndicat de police, cette résolution est néanmoins l’une des plus énergiques de toutes celles qu’ont pu formuler des fédérations syndicales affiliées à l’AFL-CIO.

Elle est adoptée alors même que le président de l’AFL-CIO, Richard Trumka, vient de refuser d’exclure l’International Union of Police Associations – et d’autres syndicats d’organismes chargés du maintien de l’ordre public – de l’AFL-CIO, la plus grande fédération syndicale des États-Unis.

Richard Trumka a déclaré à l’agence Bloomberg, vendredi 5 juin, qu’il ne couperait pas les liens avec les syndicats de police parce que « les policiers et tous ceux qui travaillent pour gagner leur vie ont le droit de négocier des conventions collectives » et que « la meilleure façon d’utiliser notre influence contre l’inconduite policière est de débattre avec nos adhérents policiers plutôt que de les isoler. »

Il a déclaré mercredi 3 juin aux dirigeants syndicaux et aux journalistes que « la réponse n’est pas d’exclure et de condamner » les syndicats de police, tout en enjoignant simultanément les responsables syndicaux à lutter contre le racisme.

Richard Trumka a félicité la Fédération syndicale du Minnesota pour avoir exclu Bob Kroll, le président ouvertement raciste de la Fédération des policiers de Minneapolis. Il a également déclaré que le mouvement syndical doit jouer un rôle central au sein du mouvement pour la justice raciale « parce que protester contre la brutalité raciale, qu’elle soit le fait d’un policier, d’un voisin ou d’un employeur, n’est pas seulement une bonne action. C’est un devoir ».

« Les travailleurs doivent nettoyer leur propre maison »

Mais les militantEs pour la justice raciale soutiennent que le moment est venu de « les exclure » et qu’il est déjà arrivé à l’AFL-CIO de procéder à une telle mesure, comme ce fut le cas avec les Teamsters [syndicat des camionneurs gangrené par des pratiques mafieuses] et d’autres syndicats.

Faye Guenther [présidente de l’United Food and Commercial Workers Local 21 (UFCW 21), membre du MLK Labour] affirme qu’au lieu de compter sur les policiers pour gonfler les adhésions, le mouvement syndical doit devenir antiraciste, s’impliquer dans les communautés et les mouvements de justice sociale pour assurer son avenir et sa croissance.

« Les travailleurs doivent nettoyer leur propre maison », a-t-elle déclaré. « Nous avons besoin de personnes de bon cœur et de bonne volonté, et de personnes qui croient en l’équité raciale, l’équité entre les sexes, l’équité LGBT et l’équité trans pour rejoindre notre mouvement et nous aider à reconstruire notre capacité de lutte contre la cupidité des entreprises, pour réaffirmer notre pouvoir, pour disposer d’un atout antiraciste, pro-démocratie et être l’âme humaniste du mouvement ouvrier. »Traduction rédaction À l’Encontre, version intégrale en ligne sur https://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-la-question-de-lexpulsion-des-syndicats-policiers-de-lafl-cio.html