Publié le Dimanche 27 mars 2011 à 10h44.

La révolution arabe et la politique de l’impérialisme, un debat nécessaire...

1. L’intervention des puissances impérialistes pour mettre en place une zone d’exclusion aérienne, et de cette manière intervenir dans la guerre civile en Libye, a suscité un débat légitime – surtout parmi les socialistes et anti-impérialistes d’Amérique Latine - concernant la position que l’on doit-prendre face à la révolution árabe à partir de cette intervention. Une partie très importante de ces secteurs – qui ont soutenu, bien qu’avec des appréhensions, les révolutions démocratiques en Tunisie et en Egypte - ont fini maintenant par affirmer que toute la politique devient celle de la lutte contre l’intervention impérialiste. Dans ce sens, ils ont critiqué la résolution votée unanimement par le CE du PSOL [1], parce que, sans ignorer l’intervention impérialiste, on continue d’y affirmer que la première revendication est celle de la défaite du dictateur Khadafi.

2. Dans la déclaration du PSOL, comme dans tous les textes que nous avons écrits, nous n’arrêtons pas de clarifier et de dénoncer la politique impérialiste dans la región et son objectif réactionnaire : arrêter la révolution en cours.

Le point de départ de l’analyse de la politique en Libye doit être placé dans le cadre de la politique globale pour la región. On ne peut pas analyser la Libye de manière isolée par rapport au processus d’une révolution régionale qui continue à s’étendre à d’autres pays – il touche à présent la Syrie – sous la forme d’une vague de révolutions démocratiques contre les régimes autocratiques et pro-impérialistes qui ont dominé la región durant les trois dernières décennies. Ces régimes, en particulier l’égyptien, furent la pièce maîtresse permettant à l’impérialisme d’isoler totalement la glorieuse Intifada palestinienne, et à l’Etat sioniste de perpetrer des massacres. Ils ont eu un rôle clé également pour que le Hezbollah ne puisse pas prendre tout le pouvoir au Liban. Ils furent aussi un soutien fondamental pour les deux guerres de l’empire contre l’Irak.

Les révolutions démocratiques en cours – dont les premiers triomphes furent le renversement de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte au prix de 200 et de 400 assassinats respectivement, qui ont déjà leurs dizaines de martyrs également au Yémen et au Bahrein, et des morts en Algérie, en Syrie et au Maroc - signifient pour ces régimes un cours quasi irréversible de fin ou de décadence. Cela constituera une grande défaite de l’impérialisme, la plus grande que les masses auront infligé dans les dernières décennies à la domination mondiale actuelle.

3. Pour freiner la révolution árabe, la politique de l’impérialisme a différents visages, réagissant de manière défensive ce qui même pour la population américaine apparaît comme quelque chose d’incongru. En Egypte et en Tunisie où la révolution démocratique a déjà tromphé, ils essaient maintenant – après avoir soutenu les dictateurs jusqu’au dernier moment - de s’adapter au processus en créant de nouvelles conditions pour freiner ces révolutions le plus rapidement posible, par le biais de quelques réformes, en soutenant d’anciens dirigeants qui maintenant assument un rôle démoratique, ou en essayant de coller aux secteurs surgis de la révolution même. A Bahrein, où est installée la flotte américaine, ils ont soutenu l’invasion des forces d’Arabie Saoudite qui a déjà coûté des centaines de morts. Un triomphe de la révolution dans ce pays gouverné par une minorité sunnite signifierait l’instauration d’un régime basé sur la majorité chiite de la population, le deuxième dans la region après l’Iran. La même politique de soutien aux dictatures est menée en Arabie Saoudite, de même qu’au Yémen où la révolution démocratique a progressé en profondeur et le régime est en décomposition, mais où ils continuent à soutenir un gouvernement dictatorial et repressif.

4. La première question à laquelle nous devons répondre en Libye est : quelle est la ligne de partage qui sépare la révolution de la contre-révolutions dans la guerre civile actuelle ? La réponse était, et se trouve toujours, du côté du peuple qui s’est soulevé et a affronté l’armée de Khadafi ; qui a réussi faire basculer de son côté un secteur de cette armée ; qui lutte pour renverser un régime qui s’est transformé depuis deux décennies en agent de la politique de l’impérialisme. Avec les confusions inhérentes à toute révolution démocratique, c’est celle-ci la ligne de partage entre révolution et contre-révolution. Si le régime autocratique de Khadafi est renversé en Libye, ce será une conquête des masses du monde entier. Ce n’est pas un hasard si les gouvernements autocratiques du Maroc et de l’Algérie, où l’heure des mobilisations est arrivée aussi, soutiennent le dictateur libyen avec armes et mercenaires.

5. La politique de l’impérialisme en Libye poursuit les mêmes objectifs que dans tous les pays árabes : arrêter la révolution. L’impérialisme a gardé le silence et n’a pas bougé pendant les trois premières semaines, lorsque la révolution était arrivée à Tripoli et menaçait de renverser le dictateur. L’impérialime est intervenu, avec la zone d’exclusion, en toute dernière minute, lorsque Khadafi était en train de pénétrer dans Benghazi. Autrement dit, lorsque la révolution en Libye était en plein recul, affaiblie, et lorsque ses forces étaient durement frappées par la contre-révolution de Khadafi.

La façon d’agir de l’impérialisme montre clairement ses objectifs : une fois arrêtée la révolution, essayer de contrôler la situation et coopter les rebelles. Toute intervention impérialiste porte en elle une grande menace. Ils essayeront donc de contrôler cette partie du monde arabe, et ses richesses pétrolières. Mais ce n’est pas Khadafi qui pourrait empêcher cela, lui qui continue à massacrer les rebelles libyens. C’est le mouvement révolutionnaire en cours qui peut le faire. Plus vite les révolutionnaires rebelles renverseront le dictateur mieux ce será. Leur principal allié pour ce faire, ce sont les masses árabes qui sont en train de réaliser cette tâche dans toute la región.

Pour cette raison, ceux qui de la lutte contre l’invasion font le centre de leur politique, laissant de côté la lutte contre Khadafi, se placent objectivement du côté de Khadafi et de son armée, dont l’objectif est de massacrer la résistance des rebelles révolutionnaires et ainsi de porter un coup à la révolution arabe en cours.

6. Le gouvernement rebelle a été catégorique pour dire qu’il était contre une intervention terrestre des forces de l’OTAN. Ce que veulent les rebelles, ce dont ils ont besoin, ce sont les armes et l’aide humanitaire, et c’est ce qu’ils ont exigé des autres pays. La meilleure forme de combattre les plans de l’impérialisme en Libye est de lutter contre Khadafi. La prétendue neutralité du gouvernement brésilien devient une politique totalement ambiguë et hypocrite : on laisse faire Khadafi et les pays impérialistes. L’unique alternative correcte serait de reconnaître le gouvernement rebelle comme force belligérante, de les soutenir sous toutes les formes posibles et de répondre positivement à leurs demandes. Entretemps, la position que devraient défendre les socialistes et les anti-impérialistes – sans cesser de reconnaître et de dénoncer les objectifs de l’intervention impérialiste – c’est de continuer à soutenir par tous les moyens posibles le renversement de Khadafi. Plus vite il tombera mieux ce sera pour l’autodétermination et la souverainté du peuple libyen et pour la révolution arabe qui s’étend à de nouveaux pays.

Pedro Fuentes, membre du secrétariat des relations internationales du PSoL brésilien, le 23 mars 2011.