Publié le Samedi 14 juin 2025 à 08h30.

La Libye sous le joug des milices

La responsabilité du Premier ministre dans le déclenchement des conflits entre milices pour protéger son réseau de corruption a suscité une réprobation populaire.

Il y a un mois résonnaient les détonations d’armes automatiques et d’artillerie lourde dans Tripoli, la capitale de la Libye, mettant fin à l’illusion d’une stabilisation du pays.

Abdel Ghani Al-Kikli, dirigeant du Stability Support Apparatus (SSA, Structure de soutien à la stabilité) — une des milices officiellement intégrées au gouvernement d’union nationale (GUN) de Dbeibah — était assassiné au siège de la Brigade 444, un autre groupe armé qui en a profité aussitôt pour attaquer les positions du SSA, provoquant la fuite de la plupart des combattants.

Conflit entre clans mafieux

Dbeibah affirmait que désormais le temps des milices était résolu. Il a tenté dans la foulée de s’en prendre aux Forces spéciales de dissuasion, souvent appelées Force Rada, un groupe salafiste qui jouait le bras armé de Njeem, inculpé par la CPI (Cour pénale internationale) pour crime contre l’humanité. Il est arrêté en Italie puis libéré et exfiltré en Libye avec la bénédiction du gouvernement de Meloni.

Non seulement la brigade 444 n’est pas arrivée à bout de la Force Rada, mais cette attaque a largement fragilisé le GUN, puisque la moitié de ses membres a démissionné et surtout des milices de la ville de Zaouïa ont soutenu la Force Rada.

Ces affrontements inter-milices témoignent de la volonté de Dbeibah d’obtenir un pouvoir absolu à l’image de son rival le général Haftar, qui avec ses fils contrôle d’une main de fer la partie est du pays. Dbeibah, cet homme d’affaires issu de Misrata a fait fortune grâce aux bonnes relations que son clan familial entretenait avec Mouammar Kadhafi. Son accession au pouvoir en 2021 était liée à l’organisation d’élections qui devaient se tenir dans les huit mois. Quatre ans plus tard il n’y a toujours pas d’élections. Dbeibah, lui, n’a pas perdu son temps en consolidant son réseau de corruption fortement concurrencé par Al-Kikli se montrant bien plus efficace dans la spoliation des ressources de l’État alimentées par la manne pétrolière.

Une pauvreté en progression

À la suite du cessez-le-feu signé entre les deux milices, un calme précaire règne de nouveau dans la capitale libyenne. Mais ces affrontements ont exacerbé le mécontentement des populations. Des manifestations ont été organisées dans plusieurs quartiers de Tripoli. Ces dernières ont convergé vers la place des martyrs rassemblant plus de 4 000 personnes, ces mobilisations ont continué les jours suivants malgré la répression. Les mots d’ordre contre Dbeibah et pour l’unification du pays ont été scandés. 

Si les élites politiques et militaires s’allient ou s’affrontent pour siphonner les richesses de l’État, la situation des populations se détériore grandement. Mohamed El Hajoui, le ministre de l’Économie du GUN, indique que près de 40 % des LibyenNEs se trouvent sous le seuil de pauvreté. Les affrontement inter-milices ont eu au moins le mérite de révéler au grand jour le rejet des dirigeants par une grande partie de LibyenNEs. 

Paul Martial