Alep, une des plus belles villes du monde, détruite pierre par pierre... Les habitants d’Alep écrasés, ces héros syriens, de toutes origines religieuse, culturelle ou sociale, soulevés parce que voulant depuis 2011 partager avec le monde les aspirations irrépressibles à la liberté, la justice, la dignité, contre l’arbitraire d’un régime qui n’est fort que de barbarie, de mensonges et d’alliés sans scrupules.
À l’heure où ces lignes sont écrites, les quartiers d’Alep-est tombent les uns après les autres. C’est un reflux inexorable de celles et ceux qui ont tenu quatre ans, dans une coexistence compliquée de la population civile, tentant d’organiser une vie nouvelle sans dictateur ni appareil policier tentaculaire, puis la survie à 250 000, avec quelques milliers de combattants hétéroclites, controversés mais seuls remparts actuels contre la horde des amis d’Assad le sanguinaire. Tous sont meurtris des bombardements incessants, avec toutes les techniques, sur tous les bâtiments : les hôpitaux, les marchés, les boulangeries et les écoles... Ils sont affamés car les dernières réserves de vivres sont épuisées, le blocus étant total depuis la mi-août.
Et maintenant c’est l’assaut sans pitié d’une alliance revendiquant sa haine de l’auto-organisation des populations : les troupes et milices syriennes, iraniennes, libanaises, irakiennes, afghanes au service d’Assad, soutenues par l’imposant déploiement militaire du parrain russe, pendant que le reste du monde détourne les yeux, quand il n’applaudit pas le leadership de Poutine, tels Le Pen ou Fillon. Les ingérences étrangères ne sont plus un problème, on veut nous faire croire que si cette volonté d’en finir avec les « rebelles » en Syrie est aussi déterminée, c’est peut-être parce qu’elle fait partie de la « lutte contre le terrorisme » … Quel contresens !
La rage, alors que les pouvoirs dits « démocratiques » n’ont rien fait concrètement pour aider les démocrates syriens : au contraire, leurs propres interventions militaires ont donné des arguments à ceux qui, de tous côtés, combattent ces démocrates. Et la honte de notre impuissance, et que certains se revendiquant de gauche accompagnent cette forfaiture qui veut clouer à Alep le cercueil du soulèvement de toute une région depuis 2011, en le proclamant globalement « islamiste »...
De tout cela, deux certitudes : à court terme, c’est tous les obscurantismes qui en sortiront renforcés. À moyen terme, nul ne peut arrêter le vent de la liberté.
Jacques Babel