La plupart des groupes qui se sont constitués avant, ou pendant le soulèvement du 17 octobre, ont dirigé leurs activité ou leurs actions contre les banques, en particulier après les mesures prises par l’Association des banques, qui avait imposé des restrictions sur les retraits de fonds qui ont particulièrement touché les petits déposants et les employés. Le siège principal de la Banque du Liban de Hamra à Beyrouth, et ses succursales à Tripoli, Tyr et Baalbek ont fait l’objet de manifestations et de sit-in. Des groupes de Baalbek et Tripoli ont fermé des succursales de la Banque centrale. Le siège de l’Association des banques de Beyrouth n’y a pas échappé et a également été la cible de nombreux sit-in et marches. Il a même été attaqué à plusieurs reprises et son entrée a été incendiée. Pour soutenir les petits déposants et dénoncer les mesures prises par les banques, les manifestants de différentes régions se sont mobilisés pour cibler ces dernières, tentant de faire pression sur leurs services afin que les déposants puissent retirer leur argent en dollars, voire en livres libanaises.
L’activité contre les politiques de la Banque du Liban et de l’Association des banques a accaparé une part majeure de l’activité de groupes politiques existants et actifs avant le soulèvement (le secteur jeunes et étudiants du Parti Communiste Libanais et le Mouvement de la Jeunesse pour le changement). Ils ont coopéré avec des groupes qui ont émergé, avec des dénominations indiquant le ciblage de leur activité sur les banques ( « Jeunes de la Banque », « Nationalisation des Banques ») et d’autres groupes qui ont diversifié leurs mouvements en fonction des orientations de la rue (« Kantari », « la tente du sit-in de Halba »).
Mais « Nationalisation des Banques » est davantage une campagne qu’un groupe. Cette campagne a été mise sur pied quand on a senti que le discours de classe et revendicatif des premiers jours commençait à décliner au profit du discours libéral. Les membres de la campagne se sont mis d’accord pour réorienter le discours de la rue vers l’économie et sa politisation, et pour relever le niveau des revendications. Il n’y a pas d’économistes au sein du groupe, mais l’interaction est établie avec un certain nombre de journalistes et d’économistes, en plus d’une coopération de base avec un certain nombre de groupes dont les mouvements se concentrent principalement sur les banques : le secteur des étudiants et des jeunes du Parti Communiste libanais, le Mouvement des Jeunes pour le Changement, l’Union Démocratique de la Jeunesse et Jeunes de la Banque, etc.
À la base, le groupe « Nationalisation des Banques » considère cette nationalisation comme une solution radicale à la crise économique au Liban. Avant le soulèvement, personne n’aurait suggéré l’idée de nationalisation, considérée comme une proposition de gauche, tandis que les membres du groupe expliquaient que la nationalisation avait été utilisée en Grande-Bretagne dans de nombreux domaines, et qu’un économiste libanais de droite avait présenté l’idée de nationalisation dans une interview télévisée pendant le soulèvement.
Au début du soulèvement, plusieurs personnes, dont des économistes, ont exprimé leur crainte d’introduire l’idée de nationalisation, jusqu’à ce qu’elle devienne en leur sein une proposition essentielle avec l’aggravation de la crise. Le groupe explique que le mécanisme de mise en œuvre de la nationalisation des banques sera mis en place automatiquement lorsque la rue reprendra en charge la question de la nationalisation et que le pouvoir sera soumis à la rue Étant donné que la dette publique du Liban est importante et qu’il s’agit principalement d’une dette interne, soit pour le bénéfice des banques libanaises, le rééchelonnement, voire l’annulation de la dette publique, devient pour « Nationalisation des Banques » une exigence fondamentale à même de sortir le Liban de sa crise économique actuelle . Mais aucune de ces deux revendications ne peut être satisfaite de manière radicale et efficace en dehors de la nationalisation des banques. Grâce à ce processus, l’État pourra exproprier les banques, puis le travail commencera pour trouver un moyen de faire travailler ces fonds jusqu’à ce que l’économie devienne une économie productive.
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Traduction de l’arabe, Luiza Toscane