Publié le Samedi 9 novembre 2024 à 20h00.

La guerre israélienne contre le Liban

L’armée d’occupation israélienne a imposé une escalade meurtrière, avec le soutien des États-Unis, contre le Liban à partir de la mi-septembre, qui prend la forme d’une guerre ouverte.

Cette escalade a commencé par l’explosion d’appareils de communication utilisés par des membres du Hezbollah, civils et militaires, tuant 39 personnes et en blessant près de 3 000. Elle s’est poursuivie par des campagnes de bombardements massifs visant à assassiner les hautes personnalités militaires et politiques du Hezbollah, mais tuant également plus d’un millier de civils, et à provoquer le déplacement forcé de plus d’un million de personnes.

Le Hezbollah est confronté à son plus grand défi depuis sa fondation, avec l’assassinat de dirigeants militaires et politiques clés, dont son secrétaire général Hassan Nasrallah, qui a dirigé le parti pendant 32 ans. Alors que le parti avait adopté une attitude politique et militaire cherchant à éviter une guerre totale avec Israël, avec des opérations militaires du Hezbollah calculées, et relativement modérées ciblant très majoritairement des sites militaires israéliens, comparées à la violence des attaques israéliennes. Leur but était de montrer leur solidarité avec leurs alliés politiques palestiniens, et d’être crédibles quand ils mobilisent la rhétorique de la résistance, tout en cherchant à protéger leurs intérêts et alliances liés également à l’Iran dans la région… En outre, le Hezbollah ne voulait pas que ce conflit soit exploité par ses ennemis politiques internes qui en feraient le principal responsable de tous les malheurs du pays.

 

La guerre au Liban

La guerre actuelle d’Israël contre le Liban, avec le soutien des États-Unis, a remis en cause ce plan. Le parti ne se doutait certainement pas qu’elle durerait aussi longtemps et qu’Israël atteindrait un tel niveau d’intensité dans ses attaques contre le Liban, et il a très probablement sous-estimé la supériorité militaire israélienne. Et ce, bien que le Hezbollah dispose de capacités militaires bien plus importantes qu’en 2006, notamment en termes de missiles.

Dans ce contexte, les responsables du Hezbollah tentent de démontrer que le parti poursuit la voie tracée par l’ancien secrétaire général du parti, après son assassinat et celui d’un certain nombre de hauts cadres militaires et politiques, afin de rassurer les partisans et les membres du parti.

 

Priorités du Hezbollah

Les priorités principales et actuelles du Hezbollah sont tout d’abord de protéger ses structures internes et sa chaîne de commandement, notamment en comblant le vide au sommet du parti en ce qui concerne les diverses responsabilités politiques et militaires et en élisant un nouveau secrétaire général, tous assassinés par l’armée d’occupation israélienne. Dans ce cadre, il s’agit aussi de maintenir et protéger ses capacités militaires, y compris les missiles et les roquettes à longue portée, contre les attaques et les offensives d’Israël.

Ces priorités expliquent en partie l’évolution rhétorique récente du parti du Hezbollah concernant l’objectif affiché depuis le 7 octobre de 2023 de ne pas séparer les fronts de Gaza et du Liban jusqu’à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza. En effet, le secrétaire général adjoint Naïm Kassem, et des députes du parti Hussein Hajj Hassan et Amine Cherri, ont affirmé après l’assassinat de Hassan Nasrallah que leur priorité était de mettre fin à l’agression israélienne contre le Liban et de soutenir un cessez-le-feu, indépendamment d’un arrêt des combats à Gaza. Cependant ces déclarations restent lettre morte, car l’armée d’occupation israélienne poursuit sa guerre meurtrière contre le Liban. Cette évolution est aussi liée aux défis internes sur le plan national, et l’incapacité pour son principal soutien, l’Iran, de faire bien plus en faveur du Hezbollah.

Cela dit, le parti reste actuellement l’acteur politique le plus important au Liban, tout en continuant à exercer une influence dépassant ses frontières nationales, notamment en Syrie, et à représenter le joyau de l’influence politique régionale de Téhéran.

Les capacités militaires du Hezbollah continuent de représenter un atout majeur du parti, malgré les infiltrations israéliennes, l’affaiblissement de la communication interne et l’assassinat d’un grand nombre de ses commandants militaires expérimentés. Il dispose notamment d’effectifs militaires de plusieurs dizaines de milliers de soldats (probablement environ 50 000 avec les réservistes) et d’un vaste arsenal de roquettes et de missiles. Pour la première fois depuis le 7 octobre, le parti a utilisé différents types de missiles Fadi, qui sont des missiles puissants et de longue portée, pour frapper des sites militaires dans la périphérie des villes de Haïfa et Tel-Aviv. De même, lors des premières tentatives d’infiltration de l’armée d’occupation israélienne dans les territoires libanais, les soldats du Hezbollah leur ont infligé des pertes, en détruisant plusieurs tanks et causant la mort de plusieurs soldats israéliens.

Parallèlement à son mouvement armé, le parti dispose d’un vaste réseau d’institutions fournissant à sa base populaire des services clés et essentiels, même s’ils ont été partiellement mis à mal par la guerre et sont sous pression avec les besoins toujours croissants de la population impactée par la guerre, dont un grand nombre forme sa base populaire. Dans ce contexte, la grande majorité de cette base du parti restera très probablement fidèle, malgré des critiques plus importantes formulées à l’encontre du parti et de ses politiques, en particulier en l’absence d’une alternative politique inclusive et au milieu d’une crise économique profonde et continue avec un État et ses services publics aux abonnés absents.

 

Solidarité nationale au Liban

Cependant, même si une solidarité nationale s’est exprimée avec les civils récemment tués, le soutien au Hezbollah y est réduit au sein des populations libanaises des autres confessions. Cela est une différence importante comparée à la guerre israélienne contre le Liban de 2006, lorsque le Hezbollah disposait d’une plus grande popularité au sein des autres confessions religieuses. Bien des choses ont changé depuis. En mai 2008, déjà, l’organisation avait pris les armes contre d’autres Libanais, avec une invasion de certains quartiers de Beyrouth ouest et des combats dans d’autres régions, notamment dans le Chouf, après que le gouvernement libanais a annoncé vouloir démanteler son réseau de communication. En plus de ce conflit intérieur, elle a participé plus tard à la répression meurtrière du mouvement populaire syrien aux côtés du régime despotique syrien et cela a de nouveau attisé les tensions confessionnelles au Liban. Enfin, le Hezbollah fait partie de tous les gouvernements depuis 2005 et est donc perçu comme l’un des responsables de la crise économique et financière de 2019, comme les autres partis dominants libanais. Hassan Nasrallah a même été très virulent à l’égard du mouvement de protestation cette année-là, l’accusant d’être financé par des ambassades étrangères et envoyant des membres du parti attaquer les manifestants. Ajoutons à cela d’autres incidents confessionels, entre des membres du Hezbollah et des individus d’autres confessions, et finalement les accusations, à l’encontre du Hezbollah principalement, d’obstructions dans l’enquête sur les explosions du port de Beyrouth. Tous ces éléments ont mené à un plus grand isolement du Hezbollah, à la fois politique et social au sein de la population libanaise, hors de sa base populaire chiite. Cela est une des raisons, parmi d’autres, dans la volonté du parti d’éviter une guerre totale contre Israël.

 

Affaiblissement régional

Au niveau régional, un affaiblissement trop important du Hezbollah est problématique pour la stratégie géopolitique et le réseau d’influence régional de l’Iran. Les objectifs stratégiques de Téhéran, en particulier depuis le 7 octobre, ont en effet été d’améliorer sa situation géopolitique régionale afin d’être dans la meilleure position pour les futures négociations avec les États-Unis, en particulier sur les questions nucléaires et les sanctions, et de garantir ses intérêts politiques et sécuritaires. La dernière attaque iranienne contre Israël doit être considérée dans ce cadre, tout en essayant de réaffirmer une forme de dissuasion, bien qu’inégale par rapport à la supériorité des capacités militaires israéliennes et au soutien apporté par Washington. De plus cette attaque ne permettra à aucun moment d’arrêter la guerre israélienne contre le Liban ou d’alléger les pressions militaires et politiques croissantes sur le Hezbollah.

Début octobre, Téhéran a en effet mené, la deuxième fois en six mois, une attaque directe contre Israël, mais cette fois-ci avec une plus grande intensité. Près de 200 missiles balistiques ont été tirés de la République islamique, sur ordre du guide suprême Ali Khamenei. Les attaques ont été revendiquées par le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) comme une riposte aux assassinats attribués à Israël du chef du bureau politique du Hamas Ismaïl Haniyé à Téhéran le 31 juillet, du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah et du commandant des gardiens de la révolution Abbas Nilforoushan, tués tous les deux dans les bombardements israéliens massifs sur la banlieue sud de Beyrouth le 27 septembre.

Alors que les missiles ont été beaucoup plus rapides à atteindre Israël qu’en avril dernier, lorsque le trajet avait pris plusieurs heures, les dégâts semblent avoir été limité, les États-Unis et la Jordanie ayant apparemment contribué à intercepter des projectiles. Si quelques projectiles sont passés dans les mailles du filet de la défense israélienne, seule la base de Nevatim dans le désert du Néguev a été touchée, causant des dégâts mineurs. L’armée d’occupation israélienne a affirmé suite à l’attaque qu’elle ripostera « à l’endroit et au moment » décidés, tandis que Washington a rapidement réitéré son soutien indéfectible à l’État d’Israël après l’attaque en déclarant par la voix du Président Biden « Ne vous y trompez pas, les États-Unis soutiennent pleinement, pleinement, pleinement Israël ».

 

Impunité de l’État d’IsRaël

En conclusion, l’État d’Israël agit en toute impunité et menace toute la région, et cela grâce au soutien des États-Unis et de ses alliés européens. Ils ont fourni à Israël tout l’équipement militaire dont il a besoin pour mener sa guerre génocidaire, occuper et coloniser les terres palestiniennes, entamer une nouvelle guerre contre le Liban, bombarder le Yémen et la Syrie, commettre des assassinats dans toute la région et intensifier les opérations militaires contre l’Iran. Le 13 août, les États-Unis ont accepté de vendre pour 20 milliards de dollars d’armes à Israël. La majeure partie de cette somme sera consacrée à un contrat portant sur cinquante avions de combat F-15A, dont la livraison est prévue pour 2029 — une décision qui témoigne de l’engagement à long terme des États-Unis vis-à-vis d’Israël. Quelques semaines plus tard, à la fin septembre 2024, les États-Unis ont accordé une nouvelle aide militaire à l’État d’Israël d’une valeur de 8,7 milliards de dollars « en soutien à l’effort militaire en cours d’Israël ». Dans le détail, cette aide porte sur le déblocage de 3,5 milliards de dollars en vue de l’achat de matériel et équipement de guerre, et de 5,2 milliards de dollars destinés à l’amélioration des systèmes de défense antiaériens israéliens, notamment les boucliers antimissiles Dôme de fer et Fronde de David, ainsi qu’un « système laser de pointe ».

Après le 7 octobre 2023, la stabilité dans la région ne pourra plus être atteinte sans accorder des droits démocratiques et sociaux aux Palestiniens et aux classes populaires régionales. À court terme, cela signifie un cessez-le-feu total pour arrêter la guerre génocidaire d’Israël contre les palestiniens, le retrait de l’armée d’occupation israélienne de la bande de Gaza, la cessation de l’agression israélienne au Liban et dans les pays voisins et une distribution massive d’aide humanitaire aux Palestiniens et aux autres personnes touchées par l’agression israélienne dans l’ensemble de la région, notamment au Liban. Mais à long terme, la stabilité dépend largement de la fin de la colonisation, de l’occupation et de l’apartheid israélien en Palestine, ainsi que la liberté et la justice sociale aux classes populaires régionales.