Le cycle électoral espagnol qui a suivi le 15M (Mouvement des Indignés commencé en 2011), qui avait permis la naissance d’une nouvelle force politique de masse anti-néolibéralisme, est sur le point de se fermer...
Il ne reste à venir que les élections pour les Parlements de Galicie et du Pays basque, après la tenue des élections européennes, des élections aux Parlements de la majorité des autonomies, des élections municipales et les deux élections pour le Parlement et le Sénat des 20 décembre dernier et du 26 juin dont nous commentons ici les résultats.
Le PP gagne, le PSOE résiste mais reste en crise
La participation a baissé de 73,20 % en décembre dernier à 64, 84 %. La première chose à souligner, c’est que le Parti populaire (PP) a été le parti qui a eu le plus grand nombre de voix : 7 906 185 (33, 28 % des votes et 137 députés), et qui a augmenté son score par rapport aux résultats de décembre dernier (7 215 752 voix et 123 députés) grâce à un important transfert de voix portées en décembre sur Ciudadanos (CS) vers le PP, environ 377 000 voix, et grâce aussi à un transfert de voix du PSOE vers le PP, plus de 100 000. Cependant il faut signaler que le PP ne réussit pas à atteindre la majorité absolue.
Malgré les cas de corruption et les politiques d’austérité, la société espagnole maintient donc un fort secteur de droite fidèle au PP. Tournant social à droite ? Non, il s’agit simplement d’une réaffirmation d’une partie de la société dans son incertitude et ses peurs à tonalité conservatrice, accompagnée d’une conscience démocratique plus que limitée. Ce phénomène est favorisé par le fait que nous n’avons pas réussi à commencer un processus de rupture avec le régime instauré en 1978 et qu’il n’y a pas eu de mobilisation sociale soutenue contre les politiques de coupes budgétaires en matière de santé, d’éducation, etc. Malheureusement, un nouveau gouvernement du PP est possible sous une forme plus ou moins dissimulée de grande coalition « à l’espagnole ».
Le PSOE a obtenu 85 députés – 5 de moins qu’en décembre –, perdant plus de 100 000 voix et représentant 22,83 % des votes. Il a réussi son grand objectif pour ces élections : ne pas être dépassé par Unidos Podemos, ni en votes ni en sièges. Mais la crise interne de ce parti est profonde : il n’ a pas de projet et n’a pas réussi à rénover sa base électorale parmi les jeunes des secteurs urbains, mais il a réussi à engager l’ensemble de ses militants dans la campagne pour réactiver les vieux liens sociaux qu’il a avec de larges couches du salariat. Le PSOE va connaître un déchirement interne si sa direction permet au PP de gouverner. Tous les pouvoirs financiers et aussi la vieille garde du parti veulent assurer la gouvernance en ces temps de Brexit, de demandes du droit à décider en Catalogne, de nécessité de nouvelles coupes budgétaires, d’échéances de la lourde dette et d’ajustements fiscaux répondant aux normes de l’Union européenne en ce qui concerne le déficit. Le PSOE n’est pas en voie de pasokisation mais il n’a pas d’existence facile assurée.
Acquis et limites de la coalition Unidos Podemos
Tous les sondages se sont trompés, car tous situaient la coalition en deuxième position derrière le PP et devant le PSOE. Cela s’est seulement réalisé dans les cas de la Communauté autonome basque et en Catalogne. L’effet de cette coalition entre Izquierda Unida et Podemos n’a pas répondu à ce qui était attendu. La coalition était une nécessité stratégique sur le terrain de la construction de l’unité populaire, mais lors de cette première apparition électorale, elle a le même nombre de députés que celui obtenu en se présentant séparément. Par contre, elle est passé de 24,3 % des votes en décembre à 21,6 % en juin, et de 6 100 000 voix à 5 049 734. Il est possible que l’abstention ait plus porté préjudice à la coalition qu’à d’autres.
Ceci est un excellent résultat si on tient compte que c’est la première fois depuis 1977 qu’une force anti-néolibérale obtient plus d’un vote sur cinq et est majoritaire parmi les moins de 30 ans. Un résultat décevant dans la mesure où il s’était créée une fausse perspective de dépassement (« Surpasso ») par rapport au PSOE, pour disputer l’accès au pouvoir au PP. C’est maintenant le temps de la réflexion à l’ intérieur de Podemos, de IU et bien sûr de Anticapitalistas.
Et maintenant ?
Sans une plus grande mobilisation populaire, les avancées électorales sont éphémères. Il n’ y a pas de progression linéaire, les rapports de forces entre les classes nous obligent à opérer en zigzags. Le discours de Podemos visant à récupérer à des fins de transformation politique (et sociale) des termes comme « Patrie » ou à se revendiquer de la social-démocratie n’ont pas fonctionné. En appeler abstraitement à la gauche face à la droite, et mettre au pied du mur le PSOE comme s’il s’agissait d’une force de changement, n’ a pas eu non plus un effet positif dans la construction d’un nouveau pouvoir populaire à partir de l’état de conscience et d’organisation réelle des masses.
Il est nécessaire d’approfondir le processus de convergence Unidos Podemos. Il est indispensable de réaliser dans IU et dans Podemos un débat sur le programme pour le changement et sur les nouvelles formes d’organisation politique des masses afin de rassembler l’enthousiasme et l’espoir de tous les militants qui, après les résultats, sont restés sur les places pour crier : « Si se puede » (« Oui nous pouvons »). C’est cela le capital politique de Unidos Podemos et pas autre chose. Un capital très supérieur aux discours que les élites universitaires utilisent afin de parler pour ne rien dire. Les projets d’un nouveau pays ne se concrétisent ni ne disparaissent au gré des difficultés.
Toute la direction de Unidos Podemos, mais particulièrement ses deux principaux représentants, Alberto Garzòn et Pablo Iglesias, qui dimanche soir dans leur discours ont été à la hauteur, ont devant eux une responsabilité énorme : réussir à réaliser un nouveau « Vista Alegre » (le congrès de fondation de Podemos), mais cette fois celui d’une nouvelle formation unitaire qui regarde vers l’ avenir.
De Séville, Manuel Gari (traduit par Jean Puyade et Georges Sarda)
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