Publié le Mardi 10 juillet 2012 à 11h16.

L’élection présidentielle en Égypte

Au premier tour de l’élection présidentielle, Mohamed Morsi des Frères musulmans était arrivé en tête, avec environ 1 % de plus qu’Ahmed Shafik, l’ancien Premier ministre de Moubarak.La surprise est venue du vote en faveur d’Hamdeen Sabahi qui est arrivé en troisième position. Cet opposant résolu aux présidents précédents a connu de nombreuses fois la prison. Se réclamant de Nasser, il avait notamment participé à la fondation du parti Karama et de la coalition Kifaya. Impliqué dans la révolution de janvier 2011, il réclame notamment le départ des militaires du pouvoir, la lutte contre la corruption, ainsi que des mesures de justice sociale, dont l’instauration d’un salaire minimum.Un grand nombre d’électeurs ont vu en Hamdeen Sabahi le seul candidat capable de réaliser les objectifs de la Révolution. Les forces du camp révolutionnaires auraient dû faire d’Hamdin Sabahi leur candidat unique.Mais il n’en a pas été ainsi : les voix de la gauche et des forces progressistes ont été dispersées entre quatre candidats. Le Frère musulman dissident Aboul Fotouh a, par exemple, reçu une partie des voix du camp révolutionnaire qui voyaient en lui un adversaire crédible face à Mursi, qu’ils voulaient éviter à tout prix. Cette erreur d’appréciation de la gauche a coûté à Sabahi les voix qui auraient pu lui permettre d’être présent au second tour.Beaucoup d’électeurs ont été trompés car cette élection a été présentée comme un choix entre un État laïque et un État religieux. De ce fait, beaucoup de chrétiens et de laïcs ont voté pour Shafiq par peur des islamistes. Beaucoup de révolutionnaires ont voté Fotouh comme étant le moindre mal à leurs yeux, car ils étaient persuadés que, de toute façon, un candidat islamiste gagnerait l’élection.Le deuxième tourLe choix était entre le candidat des Frères musulmans et le représentant de l’ancien régime. Il ne s’agissait pas d’une lutte entre forces laïques et forces religieuses, mais d’une lutte entre deux ailes de la classe dirigeante. Nombre de citoyens ont montré leur déception en n’allant pas voter : le taux de participation n’a été que de 51 %.   L’armée toujours aux commandesJuste avant le deuxième tour, le Conseil suprême des forces armées avait commencé par dissoudre l’Assemblée où les islamistes étaient majoritaires. Il projette maintenant de nommer lui-même les membres de la commission chargée de rédiger la Constitution.Les temps à venir seront agitésMême si la Révolution a temporairement perdu, quelque chose a changé par rapport au passé : les Égyptiens n’ont plus peur et considèrent qu’ils ont le droit d’élever la voix. Les prochaines années en Égypte seront le théâtre d’une lutte acharnée entre les camps, et les révolutionnaires devront montrer, malgré le renforcement du système établi, leur opposition à la politique visant à maintenir le pouvoir des militaires et des Frères musulmans. Les temps à venir seront agités.La nécessité d’un regroupement des forces de gaucheMalgré leurs orientations différentes, les groupes et partis de gauche doivent, pour les années  à venir, se rassembler dans un front crédible, qui devra proposer une alternative politique claire. Les problèmes urgents auxquels le pays doit faire face ne seront pas résolus par le pouvoir des islamistes ni par la mainmise des militaires ou des tenants de l’ancien système. Quand la gauche leur proposera une autre perspective, les citoyens pourront se prononcer autrement lors des prochaines élections.D’après un texte de Mamdouh Habashi* (25/06/2012)* Mamdouh Habashi est militant du Parti socialiste égyptien. Contrairement à ce pourrait laisser penser son nom, ce parti regroupe essentiellement des militants issus de la gauche marxiste. Une de ses figures emblématiques est le vétéran communiste  Fathallah Mahrous, qui représentait ce parti aux rencontres anticapitalistes de Marseille organisées par le NPA en mai 2011. La version longue de ce texte est disponible sur www.europe-solidaire.org