Publié le Mercredi 29 septembre 2021 à 10h22.

Les droits humains remis en cause au Sri Lanka

Entretien. Au Sri Lanka, le gouvernement d’extrême droite de Mahinda Rajapaksa réprime sans retenue : Tamouls, musulmans, syndicalistes, étudiantEs luttant contre la privatisation des facs... Alors que des manifestations de solidarité avec les répriméEs ont eu lieu dans différents pays d’Europe, Samantha Rajapaksa, militant d’extrême gauche sri-lankais en exil en France, revient avec nous sur la situation.

Où en sont les droits démo­cratiques ?
Le gouvernement au pouvoir depuis 2020 fait face à une crise économique et sanitaire. Il se sert du racisme et de la discrimination religieuse pour contrôler la population et occulter sa propre corruption. C’est ce même régime qui a tué 40 000 Tamouls en 2009, et dont le secrétaire de la Défense de l’époque est aujourd’hui le président. L’armée et le régime raciste singhalais célèbrent toujours ce massacre. Pour faire avancer son programme raciste, le régime finance des moines bouddhistes meurtriers comme Galaboda Aththe Gnanasara Thero.

La « dictature familiale » (le président, le Premier ministre et plusieurs ministres sont de la même famille) contourne le système judiciaire avec la complicité de juges auto-désignés choisis parmi les proches du président. Ces juges forment une commission qui dirige le pays et libère à sa convenance de prison des politiciens corrompus, dont certains, comme Duminda Silva, sont accusés de meurtre. Le gouvernement a également créé une commission ad hoc de cinq ou six officiers de policiers gradés pour contrôler les médias et les journalistes.

Qu’en est-il de la répression contre les étudiantEs ?
L’objectif du pouvoir est que l’université ressemble à l’armée. L’admission des étudiantEs ne relève plus de l’université mais d’une commission de militaires, et les étudiantEs sont désormais soumis à un entraînement militaire. Le gouvernement souhaite aussi privatiser les universités et briser le système d’éducation gratuit en mettant en place une sélection et en instaurant des frais de scolarité. Les étudiantEs se battent contre cette privatisation et des dizaines d’étudiantEs et de syndicalistes ont été jetés en prison, sans possibilité de libération sous caution. D’une manière générale, les étudiantEs se politisent et affichent leur solidarité avec la classe ouvrière, même si tous n’ont pas une bonne ­compréhension de la question tamoule.

Et au niveau des syndicats ?
Après l’échec de la grève générale de 1980, le mouvement syndical a décliné. Des milliers de travailleurEs ont perdu leur emploi, certains ont été assassinés par le gouvernement ou par des employeurs. Les pogroms contre les Tamouls de 1983 ont été utilisés comme prétexte pour interdire trois des principaux partis de gauche. Les partis bourgeois traditionnels ont alors créé leurs propres syndicats, à la faveur de l’affaiblissement des syndicats de gauche. Il y a toujours certains syndicats de lutte de classe, comme le syndicat des employéEs de banque et le syndicat des professeurEs ou des dockers, qui ont créé un front commun pour se battre contre les privatisations. L’année dernière, ils ont empêché la vente par le gouvernement du terminal Est du port de Colombo à l’Inde.

Et les Tamouls ?
Après le massacre de 2009, tous les jeunes Tamouls qui pouvaient partir l’ont fait. Depuis longtemps les Tamouls ne bénéficient pas de l’égalité des droits, et leurs multiples soulèvements n’ont permis que l’obtention d’avancées formelles. Pourtant reconnu comme langue officielle dans la Constitution, le tamoul n’en est pas moins, par exemple, interdit dans l’administration. Durant plusieurs décennies, les Singhalais ont manqué l’opportunité de s’unir avec les Tamouls. Une étape a été franchie en 2005 lorsque le JVP (Front de libération du peuple, parti stalinien) s’est allié aux partis actuellement au gouvernement. Au nom du socialisme, les activistes du JVP se sont battus contre les Tigres tamouls pour aider le gouvernement, et la réputation de la gauche chez les Tamouls en a évidemment pris un coup. Il y a aujourd’hui des milliers de prisonnierEs tamouls et aucune justice pour les familles.

Traduction Anne-Laure Maeve