Les récentes émeutes de la faim qui ont eu lieu début septembre au Mozambique ont mis ce pays sur le devant de la scène. Cette ancienne colonie portugaise, située en Afrique australe, a gagné son indépendance en 1975. Un an plus tard, les tenants de l’apartheid en Afrique du sud et en Rhodésie (actuellement Zimbabwe) vont susciter, contre le nouveau régime jugé trop radical, une guerre civile qui sera financée par les Etats-Unis au nom de la lutte contre le communisme. Une guerre qui fera un million de mort-e-s et laissera le pays exsangue avec, comme souvenir meurtrier, des milliers de mines éparpillées sur tout le territoire.
Après la fin de la guerre civile, le Mozambique deviendra, dans les années 80, un bon élève du FMI à tel point que l’OCDE ne fut pas avare de félicitations «le Mozambique offre l’exemple d’une heureuse transition après un conflit : le pays a enregistré une croissance économique impressionnante de 8 pour cent, en moyenne entre 2000 et 2006, et il a su préserver sa stabilité macro-économique et politique.» (1).
Déclenchées après une augmentation de l’eau, de l’électricité et du pain, les émeutes ont duré trois jours dans la capitale Maputo et se sont propagées à travers les grandes villes du pays.
La première réponse du gouvernement, à la misère de la population, fut une répression qui a causé treize morts, dont deux enfants et des centaines de blessé-e-s. L’obsession du gouvernement transparaissait à travers les déclarations des ministres et des responsables de la police: rétablir l’ordre coûte que coûte, assumant même au début le fait que les troupes tirent à balles réelles sur des manifestant-e-s désarmé-e-s pour se rétracter quelques heures après. Le seul argument avancé fut que la manifestation était illégale, argument éculé qui a déjà été utilisé pour justifier la répression de 2008, lors des émeutes de la faim et, celle plus ancienne d’automne 2000, contre les fraudes électorales
Le Mozambique, comme bien d’autres pays, s’est engouffré dans le libéralisme économique avec un FRELIMO (Frente de Libertação de Moçambique), le parti au pouvoir dépositaire de la libération du pays, qui s’est métamorphosé en représentant des capitalistes, et ceci en dépit d’une phraséologie socialisante. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est aujourd’hui Armando Guebuza, homme d’affaire multimillionnaire, qui est à la tête du pays. Ainsi tout sera fait pour attirer les capitaux. A titre d’exemple, les investissements directs de l’étranger (IDE), de 108 millions de dollars US en 2005 passeront à 588 millions en 2008 (2), mais en 2007 les dépenses de santé étaient de 18 dollars par personne! (3)
Si les IDE, au cours des dernières années ont augmenté, ils sont surtout le fait de méga projets qui ont peu de retombées économiques positives pour la population. L’exemple de MOZAL est, à cet égard, significatif. Ce grand complexe industriel, de production d’aluminium, qui a coûté près de 2.1 milliards de dollars, engrangeant des revenus annuels de plus de dix millions de dollars, ne paie quasiment pas d’impôt car ce complexe bénéficie, comme les autres, d’une franchise fiscale avoisinant les 100%. (4). Même l’OCDE, qui passe difficilement pour une officine altermondialiste, dans son rapport de 2008 souligne qu’ « un meilleur rendement de l’impôt sur les sociétés conforterait les revenus publics» et, de manière plus explicite, donne comme conseil au gouvernement: «il lui faudra mobiliser d’avantage de recettes fiscales en provenance, notamment, des mégaprojets» (5). Cette politique se confirme actuellement, ainsi au cours du dernier trimestre, les IDE ont quadruplés sur le premier semestre 2010 par rapport à 2009 sur la même période (6).
Pour pallier l’absence de politique fiscale des grandes entreprises, le gouvernement compte sur l’aide au développement, mais quand celui-ci baisse, comme c’est le cas actuellement passant de 52 % à 45 %, le gouvernement tente de faire payer la population en augmentant les prix. Le président Guebuza avait beau promettre, lors de la campagne présidentielle en octobre 2009: « nous allons travailler pour garantir le succès de la lutte contre la pauvreté» (7), pourtant le niveau de vie est toujours aussi bas, l’espérance de vie stagne depuis des années à 48 ans et, a priori, les dernières mesures d’augmentations de 17 à 30% du prix pain, cumulées à celle de l’électricité de 13% et des carburants de 8%, ne vont pas dans le sens de la lutte contre la pauvreté, contrairement à ce que prétend le gouvernement. En effet, il considère que sa politique d’augmentation des prix « est l’unique solution pour sortir le pays de la pauvreté ». (8)
Le jeudi 2 septembre, après un conseil des ministres exceptionnel, le porte parole du gouvernement, Alberto Nkutumula, déclarait que « le gouvernement va continuer sa politique économique. L’augmentation des prix est irréversible.» (9) Quelques jours plus tard ce dernier a dû annuler les augmentations de prix pour éviter un embrasement du pays. Les gens sont à bout, ils sont réduits à vivre au jour le jour, particulièrement ceux du secteur informel qui représentent les trois quarts de la population.
En effet rien n’a été fait pour eux malgré l’augmentation régulière du taux de croissance de l’économie. Il est vrai que croissance ou pas, le social est un facteur dans le libéralisme dont le seul objet est d’être … sacrifié.
Paul Martial
(1) BAfD/OCDE 2008 perspectives économiques en Afrique Mozambique
(2) Source : bases de données des Statistiques financières internationales et de la balance des paiements du Fonds monétaire international et Financement du développement dans le monde de la Banque mondiale.
(3) Source: Organisation mondiale de la santé, Rapport sur la santé dans le monde et mises à jour, OCDE, rapports sur lespays membres, et Banque mondiale, évaluations de la pauvreté et études par pays et par secteur.
(4) Voir Le Monde du 04/07/06
(5) BAfD/OCDE 2008 perspectives économique en Afrique Mozambique
(6) AIM N°407 17 août 2010
(7) AFP du 26/10/09
(9) idem