Parler des élections mais ne jamais les organiser, telle semble être la stratégie des deux camps qui se partagent le pouvoir et s’enrichissent sur le dos d’une population de plus en plus en souffrance.
Faute d’un accord complet, les élections libyennes qui devaient se tenir le 24 décembre 2021 ont été reportées sine die. Depuis, les réunions entre les deux autorités du pays, celle de Abdelhamid Dabaiba à Tripoli reconnue internationalement et soutenue par la Turquie, et celle de l’est dirigée par le maréchal Haftar et bénéficiant de la complicité des mercenaires russes de Wagner, n’ont pas cessé.
Nouvelle tentative
Après l’échec de la tenue des élections de 2021, l’émissaire spécial de l’ONU, le sénégalais Abdoulaye Bathily, avait décidé pour relancer le processus de réunir un panel de haut niveau regroupant des segments de la société libyenne, comme des responsables politiques et d’ONG, des chefs de tribu, des femmes et des jeunes pour tracer une voie menant à des élections libres et transparentes. Aussitôt un comité 6+6 regroupant d’un côté le Parlement proche d’Haftar et, de l’autre, le Conseil d’État libyen dépendant du pouvoir de Tripoli s’est créé. Le but, reprendre la main sur les élections et tout faire pour qu’elles n’aient pas lieu.
L’objectif est en train d’être atteint. Si les élections ont été annoncées pour cette année, les désaccords entre les deux parties sur les critères d’éligibilité pour l’élection présidentielle et sur la formation d’un gouvernement unitaire de transition persistent. Ces mêmes désaccords qui avaient torpillé le projet d’élection de 2021.
Un accord de mafieux
Avec l’échec de l’offensive d’Haftar sur Tripoli en 2019, une page s’est tournée. Chacun des deux camps a bien compris qu’il n’aurait pas le dessus militairement. Un modus vivendi s’est créé où chacun dans son territoire fait fructifier ses affaires licites et illicites, notamment la traite d’êtres humains. Haftar a d’ailleurs décidé de ne pas être en reste. Car au-delà des profits que les milices peuvent tirer du trafic des migrantEs, cette sordide activité permet d’être un interlocuteur de l’Union européenne.
Un accord a été passé entre les deux camps pour nommer le nouveau président de la compagnie nationale pétrolière libyenne Farhat Omar Bengdara. Charge à lui d’arroser équitablement et surtout généreusement chaque camp, renouant avec les pratiques d’avant 2017.
La population en souffrance
Bien que les USA et l’Union européenne ne cessent de proclamer leur volonté de voir les élections se tenir rapidement, ils peuvent très bien se satisfaire de cette situation. En effet, les différentes milices des deux autorités assurent la police des frontières en empêchant les migrantEs de tenter de rejoindre le vieux continent, et le pétrole peut désormais couler à flots. Quant à la Russie, elle maintient sa présence militaire dans le pays (bien que la crise avec Wagner puisse rebattre les cartes) et la Turquie en profite pour mener des prospections pétrolières dans les eaux libyennes.
La Libye est tombée sous la coupe de clans mafieux qui, avec leurs milices attenantes, pillent les richesses du pays, pendant que les structures sociales de l’État comme la santé, l’éducation, la culture sont en déshérence. Les manifestations populaires de 2022 exigeant des élections et dénonçant la corruption des dirigeants ont été réprimées férocement tant par le pouvoir de Tripoli que par celui d’Haftar.