Publié le Mardi 17 décembre 2024 à 19h00.

À Mayotte, même dans la mort, ils restent des clandestins

Combien de morts à Mayotte après le passage du cyclone Chido ? Pour l’instant plusieurs dizaines sont certaines, mais de manière assez ahurissante, le préfet de Mayotte parle de plusieurs centaines, plusieurs milliers peut-être.

Le nombre précis a-t-il une quelconque importance pour les autorités françaises, totalement indifférentes aux milliers de noyades survenues dans le bras de mer entre Anjouan et Mayotte depuis vingt ans ?

Un bilan très lourd

Il est d’ailleurs précisé que si le bilan est aussi lourd c’est parce que les gens n’ont pas voulu se rendre dans les abris avant l’arrivée du cyclone de peur d’être victimes d’arrestation et d’expulsion. C’est de leur faute en quelque sorte ! On oublie par là que la chasse aux clandestins accélérée par les opérations Wuambushu de Darmanin en 2023 et 2024 s’est déroulée autour des rares points d’eau collectifs, devant les hôpitaux et les centres de santé avec l’aide des milices locales, autour ou dans les écoles dans lesquelles des groupes de « citoyennes » venaient extraire les enfants dits non-MahoraisEs.

Les raisons de se méfier étaient en effet sérieuses, la crainte des forces de l’ordre et des milices s’est révélée plus forte que celle du cyclone.

Une solidarité nationale à géométrie variable

Alors que l’île a pris des allures apocalyptiques, que les familles cherchent partout leurs disparus sous les décombres, sur l’antenne de France Inter le 17 décembre, la députée de Mayotte, Estelle Youssouffa, bien connue pour ses propos incendiaires anti-ComorienNEs, appelle à un renforcement des effectifs de police et de gendarmerie au prétexte que « des pillages et des exactions se seraient produits ». Dans le même temps des soignants indiquent qu’il n’y plus de soluté de perfusion, aucun vaccin et que plus de 500 personnes sont en attente pour les services de traumatologie à l’hôpital, que le nombre des disparus est « invraisemblable ».

Et on entend sur les ondes de la radio publique « qu’il faut aider nos compatriotes ». Les clandestins sont sous les radars de la solidarité nationale.

La situation actuelle est dramatique parce que l’État français a considéré depuis longtemps que le sort des populations locales importait peu. La majorité des habitantEs de Mayotte ont été placés dans une situation de précarité et de vulnérabilité extrême, ce qui a considérablement amplifié l’impact du cyclone. Les problèmes de logement, d’accès à l’eau, d’accès aux soins, aux services publics tout cela est parfaitement connu depuis longtemps. Mais pour des raisons dégueulasses, le choix a été fait d’enfoncer encore davantage la population dans la misère et le désespoir. Dans ce domaine également la responsabilité des gouvernements Macron est immense.

Dans l’immédiat tout doit être fait pour réparer les dégâts du cyclone mais aussi de la politique coloniale française. En particulier aucune condition de nationalité ne doit s’opposer à la nécessaire solidarité en direction de TOUTES les habitantEs de Mayotte. Cela quoiqu’en dise des gens comme Youssouffa et ses miliciens.

Philippe Azema, le 17 décembre 2024