Ces dernières semaines s’est développée en Grèce une très forte mobilisation contre un projet de loi portant sur le temps de travail et les libertés syndicales.
Le projet de loi peut être ainsi résumé : faire travailler plus (journée de 10 h, extension du travail le dimanche, augmentation du plafond annuel d’heures sup) en payant moins (récupération partielle en « repos », baisse du taux sur les heures sup), et imposer de graves atteintes au droit de grève et d’organisation (avec pressions pour faire signer des conventions individuelles).
Traduction par le Premier ministre, l’ultra-libéral Mitsotakis : « Une loi favorable aux travailleurs et permettant le développement », qui assainira « la jungle du monde du travail » et assurera l’avenir des jeunes générations ! En réalité, la confirmation que le seul projet de la droite revancharde au pouvoir, c’est de tout faire pour attirer les investisseurs (et les touristes) et favoriser leurs copains-coquins du grand patronat grec.
Ce projet, pour lequel le quotidien Efimerida ton Syntakton hésite entre « Bienvenue au 19e siècle » et « Retour au Moyen Âge », a connu une première réponse avec une encourageante mobilisation nationale le 6 mai. Diverses initiatives locales ont suivi, reflétant en profondeur un sentiment grandissant depuis l’automne. Et c’est cette pression ouvrière qui a forcé les directions syndicales, dont celle de GSEE, la Fédération unique du privé dirigée par une bureaucratie liée au Pasok et irrémédiablement compromise dans l’acceptation des mémorandums, à lancer un appel à la grève générale pour le 10 juin, ce que mettaient en avant les syndicats les plus combatifs.
De la grève du 10 juin au vote de la loi
Malgré bien des obstacles (dont les menaces de licenciements dans le privé, l’interdiction de la grève chez les marins, qui l’ont menée et réussie), cette journée, sans être un raz-de-marée, a été un grand succès, avec des manifs dans plus de 70 villes, un appui massif à la mobilisation. À Athènes, plusieurs dizaines de milliers de travailleurEs et jeunes ont manifesté dans trois cortèges : le KKE (PC) et son courant syndical PAME, les deux fédérations GSEE et ADEDY (secteur public) avec à leurs côtés Syriza et d’autres organisations réformistes, les syndicats de base et la gauche anticapitaliste. Mais signe de la combativité, les cortèges étaient si denses qu’ils se sont joints !
Bien sûr, au soir de cette belle journée, les plus clairvoyantEs savaient que les bureaucraties syndicales allaient freiner, pour ne pas être débordées, alors que la droite affichait encore plus de fermeté. Au lieu d’appeler immédiatement, au minimum, à une nouvelle grève nationale pour le jour du vote, le 16 juin, GSEE se repliait dans le silence et ADEDY appelait à un arrêt de travail devenu in extremis, sous la pression des syndiquéEs, un appel à la grève. Dans ces conditions, la participation à la mobilisation du 16 a été en recul. Néanmoins, partout dans le pays, des milliers de travailleurEs ont manifesté, encerclant le Parlement à Athènes.
La question qui se pose avec plus d’urgence après le vote de la loi, pour poursuivre une mobilisation victorieuse, est celle d’une réorganisation syndicale prenant en compte des éléments contradictoires : même si la direction de GSEE est vendue, son appel national à la grève a élargi la mobilisation ressentie alors comme unitaire ; la seule activité des syndicats de base combatifs ne suffira pas, et la gauche syndicale doit élaborer une tactique de pressions combatives empêchant les replis des diverses directions syndicales. Le combat ne fait que continuer !
À Athènes