Publié le Mercredi 13 octobre 2021 à 10h36.

À Montpellier au sommet Afrique-France, une mobilisation en demi-teinte face à l’enfumage macronien

Entre 1 000 et 1 500 manifestantEs, dont les camarades du NPA parmi lesquels Philippe Poutou, ont défilé samedi dernier dans les rues de Montpellier pour dénoncer le sommet « Afrique-France » voulu par l’Élysée, en symbiose active avec le maire socialiste de la ville.

Cest peu dire que, malgré les gros efforts militants déployés pour mettre sur pied un contre-sommet « France-Afrique », le résultat est relativement décevant : il est de fait un indicateur supplémentaire des difficultés à mobiliser qui sont le lot de cette rentrée sociale et politique.

Une politique de grande puissance en crise

Un colloque tenu le 2 octobre près de Montpellier avait certes rassemblé, avec un bon succès d’audience (une centaine de présentEs), divers militantEs et spécialistes critiques des questions françafricaines. La réunion fut riche d’exposés et d’échanges prometteurs quant à la mise en place de contre-feux à la propagande autour d’un sommet conçu comme une opération promotionnelle du président de la République.

L’international et, particulièrement l’Afrique, occupent en effet une place de choix dans la pré-­campagne électorale, cherchant à faire oublier au moins deux choses : d’une part, la réalité d’une politique de grande puissance en crise, et donc d’autant plus agressive, de par la concurrence aiguisée que lui font subir les puissances dites émergentes ; d’autre part, la réalité crue d’une politique intérieure antisociale et liberticide.

En un mot, ce sommet pouvait se résumer à une scandaleuse opération de diversion politicienne sur ce qu’en France comme en Afrique, l’État met en place comme agressions sociales ici et, via les États corrompus à sa botte, là-bas ; comme exactions policières, ici, militaires, là-bas ; comme intox sur la lutte antiterroriste transformée, par amalgame, en campagne islamophobe ici, et en prétexte à des campagnes militaires ciblant les populations civiles, là-bas, etc.

« En même temps », encore et toujours

C’est avec cette volonté de mystifier les consciences en France comme en Afrique que ce sommet s’est déroulé en deux temps : en mai, à Paris, pour réunir les chefs d’État africains autour de leur mentor français afin de discuter de l’essence même des rapports France-Afrique, à savoir le renforcement d’un consensus des élites locales lézardé, en partie sous la pression des défiances, voire des mobilisations populaires, pour que se perpétue, au prix de quelques aménagements cosmétiques, la relation de domination/subordination ; et donc, en octobre, une grand-messe à l’immense espace Aréna montpelliérain avec la mise en scène d’un Macron, tout sourire médiatique, dialoguant avec des membres de la diaspora africaine sur les nouvelles relations à établir et les mesures à prendre à cette fin en faveur de la démocratie et du développement en terre africaine, toutes choses que la rencontre parisienne avait exactement démenties.

La logique du « en même temps » a fonctionné à plein : médias aidants, le Docteur Jekyll Mister Hyde de l’Élysée, malgré quelques âpres interpellations africaines lors de ce raout montpelliérain, aura réussi son pari de se donner à voir comme l’homme de la situation en période de grandes tensions et bouleversements géopolitiques ; comme celui qui se pose en héraut du rapprochement des peuples mais, attention, sous l’égide d’une communauté de destin… entrepreneuriale. Et cela « en même temps » qu’il maintient intacts les mécanismes de la dette et les logiques guerrières structurant la dépendance et le sous-développement de l’Afrique « française » !

Manifestation de rue

Les organisateurs du contre-­sommet (associatifs, syndicalistes et politiques) se sont démenés pour mettre en œuvre ateliers, conférences et diverses animations avec diffusions de tracts dans la ville et forte communication sur les réseaux ; les migrantEs de la ville, mais aussi venus de la région parisienne, se sont mobilisés pour contribuer au succès de la manifestation. Mais il aura fallu que, sur la première partie de celle-ci, quelques milliers d’anti-pass sanitaire des samedis, emmenés par les blouses blanches, aient décidé de faire la jonction aux cris de « migrants solidarité » pour que la mobilisation prenne une certaine ampleur. Sans pouvoir cependant rompre le mur du silence médiatique qui s’est imposé afin que ce grain de sable militant ne vienne perturber l’enfumage élyséen.

Sommet/contre-sommet, le rapport de forces était à l’évidence trop déséquilibré, la localisation dans une métropole périphérique s’avérant avoir été un pari payant pour démobiliser, dans le contexte d’atonie générale, espérons-le, provisoire. Partie remise… la ­solidarité continue !