Nice accueillait, les 31 mai et 1er juin, le 25è Sommet des chefs d’État de France et d’Afrique, moment clé de la politique africaine de la France. Ces sommets réguliers, qui offrent à des chefs d’État souvent criminels et corrompus l’occasion d’asseoir leur impunité, ont pour but de renforcer les liens politiques, économiques et militaires entre la France et ses anciennes colonies africaines, ainsi qu’avec les pays extérieurs à son traditionnel «pré-carré», occasion de favoriser les «affaires», avec plus de 200 entreprises françaises et africaines invitées.
Cette politique françafricaine encourage le pillage des ressources naturelles et humaines par le contrôle monétaire du franc CFA, la dette, la dérèglementation et la casse des services publics réclamées par les institutions multilatérales, le détournement massif de capitaux via les paradis fiscaux. Mais aussi par le recours à l’immigration choisie et le soutien à des gouvernements qui méprisent démocratie et droits humains. Cette politique est un des moteurs de l’émigration des africains vers l’Europe et la France en particulier, qui refuse de leur reconnaître le droit de venir chercher ici les richesses qui leur sont volées chez eux.
Coordonnées par le collectif niçois « Chassés d’ici, pillés là-bas», de nombreuses organisations dont le NPA, Attac, la CGT, Survie, SOS Racisme, RESF, Greenpeace, la Cimade, et d’autres partis politiques, se sont mobilisées à Nice pour faire entendre la voix des sociétés civiles française et africaine face au discours officiel porté par la France devant les représentants de 51 pays africains dont 38 présidents. Certains militants africains avaient fait le déplacement dont André Afanou du Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo, et Brice Mackosso de Publiez ce que vous payez Congo-Brazzaville. Tous se sont regroupés dans un village associatif improvisé sur la place de la Libération pour interpeller les passants niçois sur la politique africaine de la France et les enjeux du sommet officiel. Parmi les actions symboliques menées, la distribution d’un faux journal «50 ans cétro » annonçant la fin de la Françafrique a rencontré un écho très favorable de la part des passants.
En fin d’après midi a débuté une grande manifestation à laquelle s’est joint la Marche Paris Nice des Sans-Papiers, partis de Paris le 1er mai afin de faire entendre leur demande de régularisation, et arrivés à Nice en même temps que les jets présidentiels africains! Car de la Françafrique aux questions migratoires, il n’y a qu’un pas, comme le résume cette banderole aperçue dans la foule:«Hier colonisés, aujourd’hui exploités, demain régularisés». La manifestation s’est déroulée dans le calme et a rassemblé plus d’un millier de personnes derrière la banderole «Arrêtons le soutien aux dictateurs, soutenons les peuples africains, ensemble contre la Françafrique». En tête de cortège, les militants de Survie, déguisés en businessmen, militaires ou dictateurs africains, en référence au carnaval de Nice. De nombreux manifestants arboraient les masques des dirigeants africains, les bras chargés de valises pleines d’argent, symbolisant le détournement de l’argent public en Afrique. Sur les pancartes, on pouvait lire, entre autres, «Touche pas à mon despote». Et les militants de scander: «Sarko, la rupture, c’est pour quand?» Sarkozy s’est en effet maintes fois engagé à assainir les relations franco-africaines, mais trois ans après son accession au pouvoir rien n’a changé. «Le pillage de l’Afrique ça suffit, cinquante ans de fausse indépendance, ça suffit", dénonçait Emmanuel Semanou, président de Survie Bouches-du-Rhône, avant de demander à la France de "se mettre au diapason de tous les pays civilisés et de cesser se soutenir les dictateurs africains».
Toutes les associations se tournent maintenant vers le 14 juillet. Ce jour-là Sarkozy recevra les présidents des 14 anciennes colonies africaines de la France, dictateurs et bourreurs d’urnes compris. Ils seront accueillis avec les honneurs pour un mini-sommet familial avant le défilé des troupes africaines. Ce jour là aussi toutes nos organisations seront au rendez-vous!
Danyel Dubreuil