Publié le Samedi 28 novembre 2009 à 15h30.

Niger – Après nous, le désert...

C’est le 4 mai 2009, jour où Areva et les autorités nigériennes inaugurent l’exploitation uranifère d’Imouraren, que le président Tandja annonce la tenue d’un référendum sous l’œil bienveillant et complice de Mme Anne Lauvergeon (présidente d’Areva) et de Mr Joyandet (secrétaire d’Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie). C’est que la fin de l’année 2009 sonne le glas du deuxième mandat de cet ancien colonel de l’armée nigérienne et que selon la Constitution encore en vigueur il y a trois mois, ce dernier ne pouvait se représenter. Qu’à cela ne tienne. Mamadou Tandja a décidé de rester, qui pourrait l’en empêcher ?

Le processus de coup d’Etat constitutionnel débute donc par la tenue d’un référendum le 4 août 2009 qui lui permettra de changer la constitution en s’octroyant d’abord une extension exceptionnelle de son actuel mandat de 3 ans (jusqu’en 2012) puis la possibilité par la suite de se représenter à sa propre succession. La Cour Constitutionnelle et l’Assemblée Nationale s’opposant à ce processus de violation de la Constitution, le président du Niger décide de dissoudre purement et simplement l’une et l’autre, créant ainsi un chaos total en détruisant toutes les institutions nigériennes. C’est dans ce climat de déviance dictatoriale que Mamadou Tandja organisera des élections législatives le 20 octobre dernier entérinant ainsi son passage en force, son installation durable au pouvoir et sa mainmise totale et dangereuse sur le pays.

Face à cet état de fait, il faut souligner le rassemblement et la résistance des partis d’opposition, des intersyndicales, de la société civile et la presse privée unis en coalitions diverses des formes démocratiques. Des mouvements comme la Fusad (Front Uni pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques) restent très actifs dans le pays et considèrent que la nouvelle constitution est illégale et illégitime et se réfèrent donc toujours à la Vème République en ayant refusé de participer aux législatives du 20 octobre dernier.

Côté international, la seule voix claire a été celle de la Cedeao (Commission Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) suspendant le Niger de toutes les instances de l’organisation sous-régionale. Au contraire, et comme l’on pouvait s’y attendre, la France, face à ses énormes intérêts économiques dans le pays, garde une ambiguïté sinon un silence coupable dans cette nouvelle démonstration de l’«Ami-Dictateur». La Françafrique bat son plein et place forcément la France dans une attitudeconciliante. En effet, depuis 45 ans, la France exploite et importe elle-même le précieux uranium extrait des sols nigériens dans la plus totale et scandaleuse opacité tant sur les questions économiques, sociales qu’environnementales. Grâce au dernier contrat minier signé par Areva (société française) dans le site d’Imouraren (mine à ciel ouvert), le Niger devient le second producteur mondial et perd définitivement toute souveraineté sur l’exploitation de son uranium.

Au-delà des considérations économiques et du prix du minerai souvent bradé aux multinationales, Areva est entre autre accusée de participer activement à l’appauvrissement et à la désertification de la région. Le comportement prédateur du minier est responsable de l’assèchement de la nappe phréatique, de la pollution et contamination de l’eau rejetée et par là même de la disparition de l’économie pastorale et des nomades de toute la région. Ce que l’on nomme ici «énergie propre» est en train de détruire et d’anéantir à tout jamais des régions entières de l’Afrique en accélérant leurs désertifications irréversibles et sacrifiant au passage les populations vivant sur place et n’ayant aucunes retombées ni bénéfices des contrats juteux passés entre les multinationales et l’avidité de leur gouvernement.

C’est dans cette connivence argent-pouvoir que se déroulent le pillage et la saignée de l’Afrique. Les hommes forts des pays du sud ont encore de beaux jours devant eux, en tout cas tant que leurs sols pourront intéresser le nord. Le processus de normalisation des coups d’état est en marche, le processus de normalisation du silence de l’occident les entérine. A quand un nouveau massacre d’une population qui se soulève ? A quand l’arrêt de la politique impérialiste et néo-colonialiste de la France en Afrique ? Pour l’instant : après nous, le désert.

Isabel Ferreira