Publié le Mercredi 6 septembre 2023 à 16h00.

Au Niger, ni généraux ni CEDEAO

Si les putschistes ne représentent nullement une alternative pour le Niger, les sanctions économiques et les menaces d’intervention militaire de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), soutenues par Macron, sont un vrai danger pour les populations.

 

Le général Abdourahamane Tiani, responsable de la garde présidentielle, n’échappe pas à la règle en justifiant son coup d’État au nom de la sauvegarde de la patrie. Les autres officiers supérieurs des différents corps d’armée lui ont emboîté le pas pour, disent-ils, éviter un bain de sang. Quant au président déchu Mohamed Bazoum, il est toujours emprisonné dans les sous-sols du palais.

Cupidité et démagogie

Pourtant, la plupart des putschistes ont contribué à la politique menée pendant des années par Bazoum, comme Salifou Modi, ancien chef d’état-major, désormais vice-­président de la junte.

Au-delà des déclarations grandiloquentes, les raisons du coup d’État sont plus prosaïques. La volonté de Bazoum de réorganiser en profondeur la garde présidentielle risquait de faire perdre à Tiani un poste qu’il occupait depuis plus d’une dizaine d’années et grâce auquel il s’est considérablement enrichi.

Contrairement à leurs pairs du Mali et du Burkina Faso, les putschistes du Niger font partie des élites dirigeantes du pays.

De plus, le Niger est en passe de devenir dans quelques mois un exportateur conséquent de pétrole, ce qui attise bien des convoitises dans les différentes sphères du pouvoir.

Le général Tiani exploite habilement la volonté de changement et l’exaspération des NigérienEs devant une situation sociale et économique qui ne cesse de se dégrader. D’autant que la CEDEAO lui facilite grandement la tâche.

Une clique nommée CEDEAO

La CEDEAO a instauré un blocus économique total. Le président du Nigeria qui est aussi à la tête de l’organisation régionale, a aussitôt stoppé la fourniture d’électricité au Niger. Dans ce pays enclavé, comme toujours les premiers à pâtir de ces sanctions sont les populations.

Les organisations humanitaires à l’image de l’International Rescue Comitee demandent la mise en place de corridors humanitaires pour l’acheminement des médicaments et des soutiens nutritionnels qui commencent à faire défaut.

La CEDEAO, dirigée par les chefs d’État, outrepasse largement ses prérogatives. En effet la Cour de justice de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) avait déjà considéré comme illégale les sanctions à l’encontre du Mali.

Non contente d’instaurer un blocus économique, la CEDEAO planifie une intervention militaire au nom de la démocratie. Difficile de prendre au sérieux ces dirigeants qui dans leur propre pays se maintiennent au pouvoir à coups de tripatouillages constitutionnels et de manipulations de scrutin.

Politique agressive

Beaucoup sont inquiets du cours belliciste de la CEDEAO. Les organisations de la société civile, sans soutenir les putschistes, sont opposées à une intervention armée qui ne règlerait rien sur le fond. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine s’y oppose également. L’Algérie, consciente du risque de déstabilisation de la région, tente de promouvoir une transition politique. Les USA sont eux aussi réticents à une intervention armée. Un seul va-t-en-guerre se distingue : Emmanuel Macron. Il se veut le héraut de la démocratie, lui qui a avalisé toutes les turpitudes électorales de ses amis autocrates africains.

Les dernières révélations du journal le Monde balaient le poncif que la Françafrique serait derrière nous. En effet on apprend que les troupes françaises stationnées au Niger pour lutter contre les djihadistes étaient prêtes à faire un coup de force pour libérer Mohamed Bazoum. Seul le refus de ce dernier a permis de stopper l’intervention. Macron avait déjà utilisé les troupes françaises de l’opération Barkhane au Tchad pour bombarder des colonnes de rebelles tchadiens qui n’avaient rien à voir avec les djihadistes pour sauver le dictateur Déby.

Dans la situation d’instabilité que connaissent plusieurs pays africains francophones ajoutée à la politique belliqueuse de Macron, l’exigence du départ des troupes françaises d’Afrique est une des urgences du moment.