Publié le Lundi 1 mars 2010 à 11h29.

Niger : contre coup d'Etat

Le 18 février, l’armée a renversé le president Mamadou Tandja, qui avait lui-même changé la constitution pour se maintenir au pouvoir.

« Le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) a agi au nom de l’intérêt supérieur de la nation nigérienne et non pour son propre compte », a assuré le capitaine Harouma Djibrilla Adamou, membre de la junte militaire. C’est donc le 18 février dernier que le Niger a subi son quatrième coup d’État depuis son indépendance en 1960.

Ce nouveau coup de force militaire fait suite à une grave crise politique impulsée par le président Mamadou Tandja lui-même. Au pouvoir depuis 1999, son deuxième et ultime mandat devait s’achever le 22 décembre 2009 et ouvrir de nouvelles élections. C’est animé d’une force autocratique et sous prétexte de vouloir « terminer ses chantiers » qu’il a purement et simplement dissout le Parlement puis la Cour constitutionnelle, obtenu une prolongation de son mandat « pour au moins trois ans » par un simulacre de référendum et ainsi établi une nouvelle constitution. Rien de moins. Les agissements du président avaient été condamnés par la Communauté internationale et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et qualifiés par beaucoup de coup d’État constitutionnel. Des négociations s’étaient alors engagées sous l’égide de l’ex-président nigérian Abdoulsalami Aboubacar (médiateur de la CEDEAO), entre le gouvernement nigérien et l’opposition, pour trouver une sortie de crise improbable au vu des conditions imposées par le président Tandja qui voulait maintenir la VIe République (instaurée de façon autocratique) et la Coordination des forces pour la démocratie et la République (CFDR), exigeant le retour à l’ordre constitutionnel normal.

Ces manœuvres de Tandja pour se maintenir au pouvoir et son entêtement visible à bloquer les négociations avec l’opposition empêchant toute sortie de crise ont fini par irriter une partie de l’armée qui a décidé d’agir en faisant irruption à la présidence où se tenait un conseil des ministres extraordinaire et emmener le président.

Dans la foulée, le CSRD, mené par le chef d’escadron Salou Djibo, a annoncé la suspension de la Constitution et dissout le gouvernement. Assurant que le Niger devait devenir un « exemple de démocratie et de bonne gouvernance », le porte-parole de la junte a également fait connaître son intention d’ « assainir la situation politique, de réconcilier les Nigériens et d’organiser des élections ».

Mardi, toujours sans aucune annonce de calendrier, Salou Djibo s’octroyait les pleins pouvoirs pendant la période de transition tout en précisant qu’un Premier ministre serait bientôt nommé et qu’un projet de Constitution était en préparation. Nous le croirons donc sur parole !

Même si l’Union européenne et l’Union africaine condamnent cette prise de pouvoir par les armes (trois morts et une dizaine de blessés) et demandent un « retour rapide à l’ordre constitutionnel », certains observateurs considèrent ce putsch comme une possibilité de mettre fin à une dérive autocratique et personne n’a encore osé demandé le retour du président Tandja.

Les cartes sont maintenant entre les mains des militaires qui ont pour l’instant le peuple nigérien avec eux. Si le but du coup d’État était de débarrasser le pays de la dictature, qu’ils aillent jusqu’au bout et qu’ils ne se laissent pas atteindre par le vertige du pouvoir comme en Guinée, au Tchad, au Togo...

Confrontés à une famine qui s’annonce, à l’abandon des populations locales (notamment touarègues) et à la malédiction que représentent ses riches sous-sols, le Niger doit profiter de ce retournement de situation. Pour cela, il faut le laisser faire et abandonner définitivement le discours manichéen du silence ou de l’ingérence.

Isabel Ferreira