En avril 2015, François Hollande ordonnait l’ouverture des archives concernant l’implication de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda, organisé par les extrémistes du « Hutu Power ». Deux hauts fonctionnaires vont éplucher l’ensemble des documents et découvrir des informations compromettant des personnalités françaises. Ces archives resteront « confidentiel défense », mais certains éléments ont « fuité ».
Dans le numéro 39 de la revue XXI, Patrick de Saint-Exupéry, ancien grand reporter au Figaro, relate les confidences d’un de ces hauts fonctionnaires qui a consulté des documents enjoignant les militaires français de réarmer les génocidaires réfugiés au Zaïre. Ordres si ignobles que certains officiers sur le terrain exprimeront leur désaccord et iront jusqu’à évoquer leur droit de retrait. En vain. Ces ordres seront confirmés et signés par Hubert Védrine, alors secrétaire général de l’Elysée.
L’armement des génocidaires a déjà été évoqué par des organisations comme Human Rights Watch, ou par Guillaume Ancel, un ancien capitaine présent sur place.
Ces nouvelles révélations confirment ainsi la politique de la France, qui a soutenu politiquement et militairement les dirigeants hutu racistes et corrompus.
À l’époque le président Juvénal Habyarimana n’avait d’autre choix que d’accepter un partage du pouvoir avec les Tutsi, option refusée par la frange la plus radicale des Hutu. Il perd la vie dans l’attentat contre son avion en 1994 ; avec le soutien de la France, les extrémistes hutu prennent le pouvoir et déclenchent le génocide.
Défaits militairement par le Front patriotique rwandais (FPR) de l’actuel président Paul Kagamé, les génocidaires se réfugient alors au Zaïre de Mobutu, pilier de la Françafrique, où ils bénéficient donc d’un réarmement organisé par la France.
Une France coupable à plus d’un titre
Ce soutien aux génocidaires discrédite à jamais une partie du personnel politique, Mitterrand en tête, mais aussi Balladur à l’époque Premier ministre, Juppé ministre des Affaires étrangères, et évidemment Védrine qui continue à se pavaner dans les médias et à pérorer comme expert en géopolitique. La France a aussi délibérément violé l’embargo sur les armes, décrété un mois plus tôt par l’ONU.
Enfin les dirigeants français de l’époque ont transformé en RDC (ex-Zaïre) les camps de réfugiés hutu en camps militaires, ce qui a eu des conséquences désastreuses, puisqu’en riposte aux incursions armées des Hutu, le Rwanda est intervenu militairement en RDC, massacrant indistinctement hommes, femmes et enfants. Ce qui a déclenché la première puis la seconde guerre du Congo, qui feront des centaines de milliers de morts. Une violence qui continue dans cette région.
La classe politique et la hiérarchie militaire tentent de faire régner l’omerta sur cet effroyable bilan. Raison de plus pour soutenir les initiatives qui cherchent à établir la vérité et la reconnaissance de l’implication de la France dans le génocide. Une des dernières en date est la plainte que vient de déposer l’association Survie, qui vise aussi à comprendre «des mécanismes institutionnels qui ont permis une complicité avec un régime génocidaire».
Paul Martial