Allemands, je vous ai compris : c’est quelque le message qu’a voulu délivrer, en substance, la chancelière allemande Angela Merkel en ce lundi 19 septembre. Son propos fait suite à un scrutin régional, tenu dans la capitale Berlin dont le statut est à la fois celui d’une ville et d’un Etat-région (Land) allemand. Rappelons qu’en Allemagne, à la différence de la France, les élections régionales ne se tiennent pas le même jour dans toutes les régions. Celle de Berlin semblait d’une telle importance, aux yeux de la cheffe de gouvernement, qu’elle avait annulé un voyage prévu aux USA, pour rester à Berlin le dimanche 18 septembre.
Pour la deuxième fois de suite en quinze jours, la CDU (Union chrétienne-démocrate), c’est-à-dire le parti de « droite classique » auquel appartient aussi la chancelière, se prend un râteau. Cela avait déjà été le cas lors de l’élection régional du Mecklembourg, le 04 septembre dernier. Cette fois-ci, à Berlin, la CDU tombe à 17,6 % des voix ; cela représente une évolution de -5,7 % par rapport au dernier scrutin comparable tenu en 2011. Auparavant, depuis 2001, la CDU avait toujours été situé autour de 23 % des voix ; mais en 1999, pour la dernière fois, ce parti qui avait autrefois été dominant à Berin-Ouest se situait même à 40,8 %.
Merkel, protectrice des réfugiéEs ?
A l’instar des commentaires exprimés sur le scrutin du Mecklembourg, les commentaires attribuent la défaite du parti de la chancelière à sa politique pendant l’été 2015, qui consistait à accepter d’accueillir les réfugiéEs (souvent originaires de Syrie et d’Iraq) qui étaient arrivéEs par la Grèce et la « route des Balkans » - cette dernière étant aujourd’hui fermée, clôturée et semée de barbelés – et de ne pas les renvoyer en Grèce en faisant jouer la convention de Dublin.
Certes, la chancelière allemande n’est pas restée très longtemps sur cette ligne, mais a joué – dès octobre 2015 – un rôle de premier plan dans les négociations entre l’Union européenne et la Turquie, qui ont abouti à la conclusion d’un accord à Bruxelles, le 18 mars 2016. Son parti s’en vante d’ailleurs. Aujourd’hui, c’est le régime turc qui est censé retenir les réfugiéEs du Moyen Orient sur son sol.
Toujours est-il que dans une large partie de l’opinion publique, le nom d’Angela Merkel reste associé (en bien ou, souvent, en mal) à une prétendue politique d’ouverture des frontières. Au moins verbalement, Angela Merkel défend d’ailleurs une telle position, elle continue d’expliquer jusqu’à aujourd’hui qu’il est hors de question de mêler les questions du terrorisme et de l’immigration… contrairement par exemple à de nombreux politiciens français, ou au chef du gouvernement hongrois, le sinistre Viktor Orban. En cela, le gouvernement Merkel a peut-être objectivement empêché une flambée de la violence raciste pire que celle qui existe dores et déjà aujourd’hui, et qui aurait peut-être plutôt ressemblé à l’énorme vague raciste des années 1991 à 1993 (pendant la crise consécutive à la réunification avec l’ex-Allemagne de l’Est). Même si en réalité, ce discours correspond aussi à une politique migratoire inhumaine, notamment sous forme de l’accord de la honte avec le pouvoir du président Erdogan.
Montée de l’extrême droite
Un des gagnants du scrutin de Berlin est le parti nationaliste et raciste AfD (« Alternative pour l’Allemagne ») qui obtient 14,2 % des voix exprimées, même si son score n’est pas aussi fort que quinze jours avant dans le Mecklembourg (20,8 %). Il était de toute façon attendu que le parti AfD fasse un score moins élevé à Berlin, une ville autrement plus « multiculturelle » et interethnique que le Mecklembourg, nettement plus rural.
Encore faut-il dire que le parti d’extrême droite n’est pas le seul gagnant de cette élection, qui laisse un paysage politique plutôt éclatée. A la fois les Verts et le parti de gauche Die Linke dépassent respectivement les 15 % des voix. Pour Die Linke, il s’agit d’un gain de +3,9 % par rapport à 2011. En même temps, il faut remarquer que le prédécesseur de ce parti, le PDS, avait dans le passé totalisé jusqu’à 22,6 % des voix (en 2001)… avant de perdre beaucoup, beaucoup de terrain pour avoir participé au gouvernement régional où il cogérait la misère, et ce de 2001/02 jusqu’en 2011.
C’est surtout à la victoire du parti situé sur sa droite, AfD, qu’Angela Merkel a réagi ce lundi, en admettant : « Nous n’avons pas tout fait comme il le fallait ». Un propos qui se référait clairement à l’accueil des migrantEs, rajoutant d’ailleurs, à propos d’un sondage qui prétendu que 82 % seraient opposés (pour différents motifs éventuellement) à cette politique : « Si ces 82 % veulent me dire que la situation de l’année dernière ne doit pas se répéter, alors je réponds que c’est pour ça que je me bats. C’est le but des mesures que nous avons prises ces derniers mois ». Cela se référait à la fermeture de la « route des Balkans » et à l’accord avec la Turquie.
Pour l’heure, on sait pas encore si ce sera Angela Merkel ou quelqu’un d’autre qui portera les couleurs de la droite (classique) allemande aux élections législatives générales prévues en septembre 2017. Une chose semble cependant claire : la politique de celle-ci, demain, sera encore pire que celle d’aujourd’hui.
Bertold du Ryon