Obama a donc été réélu avec une majorité en voix, cependant, moins forte qu’en 2008. Une victoire annoncée même si son bilan et les besoins de la mise en scène médiatique du théâtre électoral avaient entretenu le doute. Une victoire qui n’efface pas les déceptions d’autant que dès son premier discours, le soir même de son élection, Obama a tenu à donner le ton en tendant la main à Romney.Obama a obtenu 332 voix de grands électeurs contre 206 pour Romney, soit pour ce qui est du « vote populaire » – celui qui élit les grands électeurs – 50,5 % avec 61 710 131 voix, contre 58 504 025 pour Romney, soit 47,9 %. Deux milliards de dollars, soit le double qu’en 2008, ont été engloutis dans cette campagne par les deux rivaux, tous deux candidats du big business qui avait largement investi dans l’un ou l’autre. Une cohabitation au service de Wall Street Celui-ci est donc le vrai gagnant de l’affaire. Il paraît que Wall Street avait surtout voté Romney en lui accordant plus de soutiens financiers qu’à Obama, mais la grande bourgeoisie américaine n’a guère d’inquiétude à se faire. Obama est tout autant à son service que Romney.Les deux se revendiquent des mêmes mythes dont Obama a fait l’éloge dans son premier discours pour appeler au rassemblement national et tendre la main aux Républicains : « nous sommes la plus grande nation sur terre », « nos universités et notre culture font l’envie du monde », « Amérique, la généreuse… d’où que vous veniez… qui que vous soyez », « Ces débats que nous avons sont la marque de notre liberté », « ce qui nous rend exceptionnel est le lien fort qui nous unit en dépit de nos différences et notre sens d’un destin commun ». Pour conclure, « des compromis sont nécessaires pour faire avancer les États-Unis »…Cette cohabitation à laquelle Obama invite ses électeurs lui est d’une certaine façon imposée, depuis 2010 lorsque les républicains ont gagné la majorité à la Chambre des représentants. Ces derniers y restent majoritaires après le renouvellement des 435 sièges qui se déroulait en même temps que la présidentielle. Si les candidats Républicains les plus réactionnaires ont été battus, les Démocrates n’ont pas regagné la majorité, majorité qu’ils gardent cependant au Sénat dont un tiers des sièges étaient renouvelés. Priorité à l’austéritéCette cohabitation pourra aider Obama à faire accepter sa priorité, le « grand marchandage » pour réduire le déficit fédéral de 4 000 milliards de dollars sur dix ans en coupant dans les dépenses. Dans l’urgence, il est contraint de négocier un accord sur le budget pour la session post-électorale du Congrès qui vient de commencer, et cela avant la fin de l’année. En effet, en 2011, le gouvernement démocrate a obtenu le relèvement du plafond de la dette pour éviter le défaut de paiement des États-Unis, en échange d’un programme de réduction de cette dette dont les modalités sont l’objet des négociations. Faute d’accord, cela se fera automatiquement dès le 2 janvier 2013, par des coupes dans le budget fédéral et l’expiration d’abattements fiscaux créés sous la présidence de George W. Bush. Accord ou pas, l’austérité s’appliquera, seules se discutent les hausses d’impôts auxquelles les Républicains sont opposés.Selon un communiqué de la Maison Blanche « le président a réitéré son engagement de trouver des solutions bipartisanes pour réduire notre déficit de manière équilibrée, [...] Le président a dit qu’il croyait que le peuple américain a envoyé un message lors des élections de mardi invitant les dirigeants des deux partis à mettre de côté leurs intérêts partisans et à œuvrer de concert pour donner la priorité aux intérêts du peuple américain ». Obama a besoin d’un compromis pour pouvoir gouverner et garantir au big business la stabilité. Mais, il continuera d’imposer l’austérité pour tenter de résorber la dette qui s’accroît chaque année de 1 000 milliards de dollars, au risque de la récession. Les mêmes remèdes, austérité et course à la compétitivité contre les travailleurs, conduisent aux mêmes maux, ici comme aux USA. Pour toutes celles et ceux qui ont fait campagne pour Obama, syndicalistes, femmes, blacks ou hispaniques, la nouvelle leçon s’annonce dure. C’est, maintenant, pour et par eux-mêmes, pour leurs propres droits, avec leurs propres armes, qu’il leur faut entrer en campagne.Yvan Lemaitre