Le 27 avril, le gouvernement a présenté ses objectifs budgétaires de moyen terme (2011-2014) dans le cadre d’une nouvelle procédure. En effet, les « programmes de stabilité » s’inscrivent désormais dans le cadre du « semestre européen » : les États doivent transmettre fin avril leurs prévisions budgétaires à la Commission et au Conseil européen. Ce dernier leur fera ses remarques en juin ou juillet. Alors seulement, les Parlements nationaux débattront. Ce dispositif, proposé par la Commission, a été accepté par l’ensemble des ministres des Finances. Par ailleurs, la révision de la Constitution française effectuée en 2008 autorise le gouvernement à faire une déclaration devant le Parlement, suivie d’un débat. Mme Lagarde et M. Barouin en ont donc profité pour faire un tour de piste et tenter de sauvegarder les apparences du débat démocratique.
En réalité, le gouvernement ne s’adressait ni aux parlementaires ni à la population mais aux propriétaires de capitaux. Mme Lagarde s’est chargée de les rassurer : le déficit sera réduit à 3 % du PIB en 2013 sans que les taux d’imposition n’aient eu à augmenter. Les dépenses seront maîtrisées et les recettes vont spontanément bénéficier de « l’intensification de la reprise économique ».
Alors que la croissance a été de 1,5 % en 2010, le gouvernement prévoit 2 % en 2011 et 2,25 % en 2012. Mais tous les organismes internationaux, et même la Commission sénatoriale des finances, prévoient nettement moins (1,8 % en 2012 selon le FMI). Mme Lagarde se félicite du fait que « la consommation des ménages n’a jamais fléchi en France » depuis le début de la crise, mais les mesures de rigueur vont finir par avoir des conséquences. L’Insee prévoit d’ailleurs une légère diminution de la consommation au deuxième trimestre 2011. Et le gel du point d’indice des fonctionnaires va sans doute contribuer à aggraver ce phénomène. L’alternative serait d’augmenter les impôts des plus riches. Mais en dehors d’un hypothétique « toilettage » des niches fiscales (pour seulement 3 milliards d’euros par an), le gouvernement s’y refuse. Mardi 3 mai, il devait même présenter à l’Assemblée un nouveau projet de loi de révision constitutionnelle instaurant une règle (délirante) d’équilibre des finances publiques, et supprimant toute initiative parlementaire relative aux recettes fiscales.
Il faut constamment le rappeler : les déficits proviennent des cadeaux fiscaux et de la crise dont les capitalistes portent l’entière responsabilité. Quant à la « gouvernance européenne », l’idée même de coordonner les politiques économiques nationales est bonne, mais pas pour réduire les dépenses sociales au nom de la compétitivité. Imposer aux États les plus riches d’augmenter immédiatement les minima sociaux et les salaires des fonctionnaires serait le meilleur service à rendre aux populations grecque et portugaise.
Cette Union européenne privilégie la concurrence à la solidarité, elle sanctuarise le profit au détriment de l’emploi, elle planifie l’austérité. Il est urgent de lui opposer le projet d’une fédération des États socialistes d’Europe, planifiant des investissements répondant aux besoins des peuples.
Philippe Légé