Les événements de ces deux dernières semaines marquent une nouvelle étape de la résistance palestinienne, en particulier d’une jeunesse qui ne supporte plus l’humiliation et l’oppression.
Mais vu d’ici, il faut d’abord faire le tri dans le traitement médiatique de ces événements…
Derrière les discours médiatiques...
Notre ami Majed Bamya, ancien président de l’Union générale des étudiants palestiniens (GUPS) en France, analyse ainsi le discours des grands médias nationaux :
– Escalade : a lieu dès lors qu’un israélien est tué. Il faut plusieurs centaines de morts palestiniens pour parler d’une escalade.
– Civil : ne s’applique jamais à un Palestinien, y compris un enfant. Par contre s’applique aux colons armés et réservistes de l’armée israélienne, et la possibilité de l’étendre aux soldats d’occupation en exercice est actuellement à l’étude.
– Sécurité : droit réservé exclusivement aux Israéliens, et permettant de justifier à peu près tout, y compris les bombardements aveugles, les massacres, un mur en plein territoire palestinien, les arrestations arbitraires de masse, les incursions, les exécutions extra-judiciaires, les démolitions de maison, et autres punitions collectives, dont bien sûr le siège imposé à 1,8 million de Palestiniens dans la bande de Gaza...
– Regain de violence : terme permettant de mettre dans le même sac occupant et peuple occupé, de nier les causes et de ne s’intéresser qu’aux effets, c’est-à-dire permettant généralement de dédouaner la puissance occupante de sa responsabilité dans l’irruption de ladite violence.
– Territoire palestinien occupé : là où tout se passe ou presque, mais qu’on évoque si peu. Si on parle d’un colon installé illégalement en territoire palestinien occupé, il vaut mieux parler de civil sans autre précision géographique.
– Occupation : terme trop complexe, à éviter préférablement pour ne pas créer plus de confusion. Se contenter d’évoquer « les parties », ou les Palestiniens et les Israéliens. De même, les termes oppression et déni des droits s’appliquent à tous les autres contextes... sauf au Moyen-Orient.
– Résistance : apparemment interdite sous toutes ses formes par le droit international pour les Palestiniens, et pleinement autorisée pour tous les autres peuples du monde. Les Palestiniens n’ont le droit d’avoir recours qu’à la négociation.
– Négociations : dialogue où, l’arme au poing, Israël explique aux Palestiniens toutes les raisons pour lesquels elle ne peut mettre fin à la colonisation, ni ne peut évoquer le retour des réfugiés, ni un contrôle palestinien sur les frontières, ni discuter de Jérusalem, tout en dénonçant l’intransigeance palestinienne.
– Paix : signifie que les Palestiniens demeurent tranquilles pendant que l’occupation continue, que leurs droits sont violés et leurs terres volées. Toute révolte menace les efforts de paix... alors que l’occupation et la colonisation sont, elles, considérée comme tout à fait compatibles avec les efforts de paix.
– BDS : boycott-désinvestissement-sanctions, une campagne considérée comme héroïque qui a largement contribué à la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, mais par contre considérée comme antisémite quand cette même campagne vise l’apartheid israélien...
– Couverture médiatique : pour les Palestiniens c’est un peu le loto, une chance sur un million de gagner...
La révolte pour la justice et le droit
Aucune organisation politique palestinienne en tant que telle ne conduit cette nouvelle révolte populaire. Les images nous renvoient des jeunes politisés arborant le drapeau de leur organisation (Hamas, Fatah, FPLP...) lors des confrontations avec l’occupant sioniste. Mais pour autant, ce ne sont pas les directions politiques palestiniennes qui orchestre la révolte.
Si la jeunesse organisée est présente, et utilise ses réseaux pour mobiliser, elle ne se réfère en rien aux directions des partis pour décider des actions, elle fonctionne en réseaux très larges et autonomes. Ainsi, l’appel à la « journée de colère » vendredi 16 octobre, appel lancé par les organisations politiques palestiniennes, n’a pas amplifié la mobilisation. Pour certains de nos correspondants locaux, « ce 16 octobre 2015 a moins mobilisé que les jours précédents... »
L’insupportable politique d’apartheid entraîne des mouvements au sein même des « frontières » d’Israël : manifestation massive à Haïfa - Nazareth, manifestation de soutien à la Cisjordanie et Gaza, mais aussi des manifestations revendicatives des Palestiniens de 48 (que l’on appelle les « arabes d’Israël »).
Imprégnés de l’idéologie raciste des gouvernements israéliens, soldats et colons commettent des « bavures » criminelles, comme ce dimanche 18 octobre à Bershava, où un Érythréen israélien a été abattu par erreur, et bien que blessé, a été lynché par une foule en délire...
Nouvelle intifada à long terme ou soulèvement sporadique ? Les semaines à venir apporteront la réponse, mais comme nous l’indique un de nos camarades de Ramallah : « Si cette révolte s’apaise, une autre arrivera dans un an, cinq ans... Tant que justice et droit ne seront pas rendus à notre peuple, la jeunesse palestinienne se dressera ».
Marc Prunier