Publié le Vendredi 22 avril 2016 à 08h58.

Pologne : « Dites non à la torture des femmes ! »

Le 9 avril dernier, des milliers de personnes se sont rassemblées devant le Parlement polonais et dans 18 villes du pays pour protester contre un projet de loi qui veut interdire l’IVG.

Les évêques polonais pensaient que ce serait une bonne façon de célébrer les 1 050 ans de la conversion de la Pologne au catholicisme... en durcissant la déjà restrictive loi sur l’IVG. Confortée par la victoire du réactionnaire PiS (Parti droit et justice) qu’elle avait soutenu, l’Église jugeait que le moment était venu d’avoir un retour sur ses « faveurs »...

Un projet de loi pour interdire l’IVG, même dans les cas permis par la loi actuelle – viol, malformation du foetus et danger de la vie de la mère –, a été présenté au Parlement par des associations qui défendent le prétendu « droit à la vie ». Le projet comptait sur le soutien de la Première ministre Beata Szydlo, qui s’est prononcée très fermement pour « l’interdiction absolue de l’IVG ».

« Ne laissez pas la Pologne aux fanatiques ! »

La réaction des femmes ne s’est pas faite attendre. Le dimanche où les prêtres ont lu l’appel des évêques à soutenir l’interdiction de l’IVG, les femmes ont quitté les églises en criant « Honte à vous ! ». Deux rassemblements qui ont réuni des milliers de femmes ont eu lieu devant le parlement les 3 et le 9 avril.

Celui du 9 avril, qui était appelé par des organisations féministes et par Partia Razem (Parti Ensemble, une coalition de gauche créée en 2015), avait pour mot d’ordre : « Dites non à la torture des femmes ! ». Des milliers de femmes portaient des cintres et des affiches qui disaient : « On ne fera plus de bébés ! », « Faites l’amour, pas le PiS ! », scandant « Dignité, santé et sécurité », « La solidarité est notre arme ! » ou « Ne laissez pas la Pologne aux fanatiques ! »

Le pouvoir et l’Église dans l’embarras

Cette réaction vigoureuse a mis la Première ministre et l’Église catholique dans l’embarras. Szydlo nie maintenant qu’il y ait un projet de loi contre l’IVG et, qu’en tout cas, sa position sur l’avortement ne serait qu’une « opinion personnelle », et pas nécessairement celle des membres de son parti. La Première ministre, préoccupée par la réaction de la gauche et des organisations féministes qui ont profité de la situation pour demander la libéralisation du droit à l’IVG, a fait un appel à ne pas utiliser « une question tellement sensible et importante » comme un élément de la lutte politique...

D’après un sondage, trois quarts de la population est contre le droit à l’IVG sans restriction, mais la majorité est pour que la loi reste telle qu’elle est. Selon les estimations des organisations féministes polonaises, il y a chaque année entre 100 000 et 150 000 Polonaises qui avortent soit en Pologne, soit à l’étranger, en particulier en Allemagne. A Berlin, un réseau, Ciocia Basia (« Tante Basia »), s’est même constitué pour aider les Polonaises qui ont besoin d’avorter.

Il est clair que l’adoption d’une telle loi n’empêcherait pas les IVG, mais elle mettrait encore plus en danger la santé et la vie des femmes pauvres, obligées d’avorter dans la clandestinité.

Virginia de la Siega