Publié le Mercredi 11 octobre 2023 à 12h00.

Pologne : l’enjeu électoral, préserver la démocratie

À quinze jours des élections législatives entre 600 000 et un million d’opposantEs au gouvernement populiste conservateur du parti Loi et Justice (PiS) ont manifesté à Varsovie le 1er octobre.

 

Cette mobilisation survient après les massives manifestations féministes pour le droit à l’avortement depuis 2022 et à la suite d’une manifestation de plusieurs centaines de milliers contre « la vie chère, l’escroquerie et le mensonge, en faveur de la démocratie, des élections libres et de l’UE » début juin. Les sondages, qui jusque-là donnaient le PiS gagnant le 15 octobre, commencent à indiquer que, même avec le soutien de l’extrême droite (la Confédération, en baisse également dans les sondages), il pourrait perdre la majorité parlementaire après avoir gouverné huit ans.

Politique familialiste et xénophobe du PiS

Arrivé au pouvoir en 2015, le PiS avait fait adopter quelques mesures sociales en rupture avec la politique ultralibérale des gouvernements de la Plateforme civique (PO) : en 2016 une loi instaurant l’allocation familiale de 500 zlotys par enfant (alors que le salaire minimum était de 2 000 zlotys), d’abord avec des limites salariales pour un seul enfant, puis à partir de 2019, pour chaque enfant, ainsi que l’annulation en 2016 de la loi de 2012 qui augmentait l’âge de départ à la retraite à 67 ans, revenant ainsi à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes. Dans sa campagne électorale le PiS rappelle ces mesures et promet d’augmenter l’allocation familiale à 800 zlotys (174 euros) l’an prochain, espérant acheter une fois de plus des voix populaires.

Mais les gouvernements du PiS ont non seulement encore restreint les droits des femmes mais aussi pris des mesures xénophobes et homophobes, soumis la justice à l’exécutif, transformé les médias publics en organes de propagande, détruit l’enseignement et développé la répression policière. Sa campagne électorale prétend que Donald Tusk (dirigeant de la Coalition civique autour de PO) est une marionnette des « ennemis allemands », de la Russie et de l’Union européenne, annonce la fin des droits des UkrainienEs exiléEs et prétend que les libéraux vont faire envahir le pays par des « milliers d’immigrants illégaux du Moyen-Orient et d’Afrique ». Un référendum a été imposé en même temps que les élections avec quatre questions, qui reprennent sa campagne électorale chauvine et anti-­immigration. Une remise en cause de l’État de droit…

Opposition faible et alternative au capitalisme invisible

Face au PiS, l’opposition démocratique présente trois listes : la Coalition civique, la Troisième voix (centristes néolibéraux et parti agrarien PSL) et la Gauche, une alliance des sociaux-libéraux d’origine stalinienne qui ont fusionné avec le parti pro-LGBTQ+ et anticlérical, Wiosna (le Printemps) et du parti antilibéral Razem (Ensemble).

Tusk mène une campagne en défense de la liberté, a écarté des candidatures les adversaires du droit à l’avortement et annonce vouloir gouverner avec la gauche et le centre. Il a même été jusqu’à demander l’augmentation immédiate des allocations familiales (alors que son groupe ne l’avait pas votée en 2016). Il n’hésite plus à mobiliser les masses. Mais a-t-il compris que les gouvernements réactionnaires du PiS sont le résultat de la politique ultralibérale menée par les gouvernements PO ?

L’idée même d’une alternative au capitalisme n’apparaît pas. Et, à part dans les discours de la coalition de gauche, les 16 millions de travailleurEs ne sont pas mentionnés.

Comme le dit Magdalena Biejat, sénatrice sortante du parti le plus à gauche dans l’opposition démocratique, Razem : « Voulons-nous accepter que le gouvernement soit construit par le PiS et la Confédération, qui vont nous organiser un enfer encore pire que celui déjà subi, ou bien que ce gouvernement soit fait aussi avec la gauche afin que les préoccupations des citoyens ordinaires puissent enfin être prises en compte. » Un projet de société bien limité…

Le choix du 15 octobre sera donc entre un État de plus en plus dictatorial et la ­préservation d’une démocratie libérale.