Samedi dernier, à Bruxelles, c’était la Pride. Et on y était, en masse : pour affirmer nos identités et nos fiertés, pour célébrer, et pour porter nos messages. Pour nous, le mouvement LGBT+ ne se limite pas à une fête, à une « célébration de la diversité » ou à d’autres formules plus ou moins creuses, c’est une lutte, qu’il faut aujourd’hui encore mener avec force et rage.
La première Pride était une émeute, en réaction aux violences commises par la police contre les personnes queer et racisées. Aujourd’hui, elle a pris la tournure d’une simple parade, à laquelle peuvent se pavaner impunément les flics et les partis de droite. Alors, comment y ramener un peu de combativité ? Samedi, nous avons appliqué une méthode qui a fait ses preuves : il vous suffit d’un bon groupe de militantEs soudés et organisés, d’un mégaphone, de quelques slogans bien sentis, d’un tract qui clarifie vos positions, d’un peu de souffle et de cordes vocales bien échauffées. Et en peu de temps, vous vous retrouvez avec un bloc d’une petite centaine de jeunes survoltéEs, qui reprennent vos slogans et proposent les leurs. Le lendemain, vous n’avez plus beaucoup de voix, mais ça vaut le coup : vous avez parlé des oppressions que subissent les personnes queer, mais aussi, à travers elle, du capitalisme, de la police, de la lutte des classes, de la révolution ; et dans le même temps, vous avez mis une ambiance de folie. Et reconnaissons-le, sans tout ça, à avancer à 2 km/h pour s’ambiancer seulement sur les baffles qu’on croise tous les 500 mètres, on se serait quand même drôlement fait chier.
Vers une Pride repolitisée ?
La rage est là. Les milliers de jeunes et de moins jeunes qui viennent marcher, danser et crier à la Pride veulent célébrer qui elles et ils sont, la tête haute, mais aussi, pour beaucoup, aller plus loin en exprimant une colère, en menant une lutte. La Pride d’aujourd’hui est ce qu’elle est, mais le désir de combativité n’est pas absent, loin de là. Vers où allons-nous, alors ? Vers une Pride repolitisée, l’année prochaine ? Pourquoi pas : la Pride de Paris, par exemple, a fait un net virage l’année dernière, sous la pression des collectifs les plus combatifs, en choisissant pour la même occurrence de partir d’une banlieue populaire, de refuser les chars des marques en quête de pinkwashing, et de faire comprendre au FLAG, collectif de policiers gays (qui commémorait les émeutes du Stonewall en tirant sur les gens avec des pistolets à eau…), qu’il n’était plus le bienvenu. On peut aller vers ça, ou carrément vers un mouvement LGBT+ de masse, qui n’attendrait plus les Pride pour s’organiser et porter ses revendications. Cette histoire-là reste à écrire.
Mais nous en avons besoin, et nous en avons la force. Inutile de se mentir : il est un peu dur, après un samedi comme celui-là (et les quelques prolongations qui n’ont pas manqué, confessons-le, d’emmener les jeunes anticapitalistes jusqu’aux aurores), de retourner à la vie normale, celle où on cache son orientation sexuelle sur son lieu d’étude et où on évite de se tenir la main dans la rue. Parce que pour un bref instant, nous avons été immortelEs.
La Pride, c’est aussi ce moment où nous sommes des milliers dans la rue et où nous n’avons plus peur ni des regards ni des coups. C’est le moment où nous savons que ni les flics ni les fachos ne nous attaqueront, parce que nous sommes plus nombreux et nombreuses qu’eux, et plus fortEs. On peut même lancer des slogans provocateurs en passant à côté d’un combi et de quelques policiers en uniforme, comme on peut s’embrasser avec fougue au beau milieu de la rue. Au fond, tout n’est que rapport de forces : et quand on met plusieurs milliers de personnes dans la rue, même dans la marche la plus dépolitisée qui soit, la rue est à nous. Alors, quand on sent ça, qu’on se découvre ce pouvoir d’imposer nos volontés et d’être qui nous sommes, tout devient possible. Vivement que ce pouvoir se fasse ressentir tous les autres jours de l’année.
Version intégrale sur le site de la Gauche anticapitaliste belge.