Publié le Dimanche 10 février 2013 à 12h44.

REGARDS « Seule une politique garantissant les droits démocratiques et le développement social et culturel des populations maliennes serait urgente »

Entretien. Nadir Djermoune est membre de la direction nationale du Parti Socialiste des Travailleurs (PST) d'Algérie. Il représentait son parti au congrès du NPA.Quelle est la position du PST sur l’intervention française au Mali ?

L’intervention militaire française au Mali a des odeurs colonialistes. Elle exprime la volonté du capitalisme français de maintenir ses intérêts dans cette région, en concurrence avec d’autres puissances impérialistes, notamment la Chine nouvelle venue dans cet univers. Elle n’est, en fait, qu’une suite des manœuvres de l’Otan et de la France en Libye en 2011 qui renforcent les dispositifs militaires mis en place par cette même France au Tchad, au Burkina Faso ou encore en Mauritanie. Le PST demeure contre toute intervention étrangère dans la vie politique interne des pays, dans le respect de leur souveraineté. Il dénonce cette intervention et considère que seule une politique garantissant les droits démocratiques et le développement social et culturel des populations maliennes serait urgente.Comment analysez-vous l’alignement du pouvoir algérien sur l’intervention française ?D’une manière presque clandestine vis-à-vis de la population, le pouvoir algérien se place en effet dans un soutien à cette intervention. Il a autorisé l’ouverture de son espace aérien aux avions militaires français et il a procédé à la fermeture des frontières avec le Mali. C’est une attitude qui constitue pour les Algériens et Algériennes épris de leur indépendance chèrement acquise une remise en cause de la souveraineté du pays. Bouteflika tente de placer l’Algérie dans une alliance avec les puissances impérialistes pour assurer la stabilité de son pouvoir et sa survie politique à la veille d’une élection présidentielle incertaine. Du coup, il installe l’économie algérienne dans le giron du libéralisme.Quelle réaction dans l’opinion après In Amenas ?L’épisode In Amenas légitime de fait l’intervention française au Mali, en mettant en avant le drapeau de la lutte contre le terrorisme islamiste. Il augmente en même temps les pressions sur l’Algérie pour l’impliquer davantage, sur le plan militaire et financier, dans cette escalade de reconquête coloniale. L’intervention militaire de l’ANP pour libérer les otages d’In Amenas est perçue par la population comme une réaction souverainiste minimum face aux injonctions et aux ingérences intolérable des forces impérialistes. Le régime algérien surfe sur ce sentiment nationaliste, juste et légitime, pour redorer son image et se présenter comme garant de cette souveraineté malmenée. Mais en réalité il cache mal le véritable bradage, celui des richesses, notamment énergétiques, quand les Algériens et les Algériennes découvrent que le site d’In Amenas est un territoire sous gestion sécuritaire des firmes pétrolières et de leurs pays respectifs.La colère de la population contre le pouvoir trouve-t-elle des moyens de s'exprimer ?Ce qui est marquant pour un observateur étranger, c’est que l’Algérie n’a pas connu une situation de crise révolutionnaire comme un certain nombre de pays de la région. Mais il n’en demeure pas moins que la population continue d’exprimer sa colère par des protestations sociales et syndicales. Une sorte de défi est lancé au pouvoir par des protestations de rue et des grèves dans divers secteurs économiques publics et privé (métro d’Alger, services postaux, hôpitaux, l’entreprise privé Cevital…). Les protestataires arrivent souvent à arracher des droits et imposer certaines revendications. Ce qui marque cependant, c’est l’absence ou / et l’inconséquence des directions syndicales. Les grèves sont souvent menées localement par les travailleurs eux-mêmes. Le même vide existe sur le terrain politique, ce  qui donne une forme défensive à ces protestations pourtant seules capables de dessiner des alternatives.Le PST travaille, avec son modeste poids dans le paysage politique algérien, à donner un sens et un prolongement politique à ce bouillonnement social. Les événements en cours à Barbacha (cf. Tout est à nous ! N°177), une commune de 25 000 habitants de la région de Béjaia dont le maire sortant était un camarade du PST, donne un aperçu sur cet engagement. La bataille politico-juridique et la mobilisation de la population pour refuser la mise en place de la coalition des minorités imposée par les autorités régionales, traduit toute l’adhésion des habitants au travail effectué par les élus sortant du PST. Mais au-delà cette bataille politico-juridique, ce sont toutes les luttes sociales et économiques entre les différentes couches et fractions sociales, sous le sceau d’une administration aux relents d’une bureaucratie bourgeoise, qui traverse la société algérienne. Cet exemple pourra-t-il sortir des confins de cette commune isolée ? C’est tout le pari et l’ampleur du travail qui attend les militants socialistes algériens.Propos recueillis par Cathy Billard