Publié le Jeudi 14 février 2013 à 17h32.

Révolution Tunisienne : un tournant majeur

Les raisons de l'assassinat ? Les commanditaires du meurtre de Chokri Belaïd ont voulu abattre un des symboles de la révolution. Il était à la tête du Parti des patriotes démocrates unifié, un des principaux partis de la gauche radicale, et l'un des dirigeants du Front populaire qui a dénoncé jusqu'au bout les manœuvres du gouvernement pour mettre en place une nouvelle dictature.Chokri Belaid était notamment un des avocats qui avaient défendu les accusés du Bassin minier de Gafsa. Son parti compte de très nombreux militants impliqués à tous les niveaux de l'UGTT. Ce n'est donc pas un hasard si les islamistes avaient développé une campagne haineuse contre lui.La responsabilité d'Ennahdha est totaleCe mouvement a en effet orchestré la campagne contre Chokri Belaïd depuis les mosquées et dans les médias. Son gouvernement n'a pas voulu dissoudre les milices ayant attaqué le siège de l'UGTT le 4 décembre. Chokri Belaïd à la veille de sa mort, déclarait à la télévision qu'il se sentait personnellement menacé, surtout après l'agression sauvage du congrès de son parti quelques jours plus tôt.Ennahdha a perdu aujourd'hui toute légitimité. Poursuivant la politique néolibérale en vigueur depuis des années, Ennahdha n'a en effet tenu aucune de ses promesses économiques et sociales. Il a multiplié les attaques contre les libertés, et en particulier celles des femmes. Il a poursuivi les pratiques de népotisme et de corruption en vigueur sous Ben Ali.Ce n'est donc pas un hasard si des centaines de milliers de manifestants déferlent aujourd'hui dans les rues en scandant inlassablement les slogans majeurs de la révolution de janvier 2011 : « dégage », « le peuple veut la chute du régime ».Dans l'espoir de sauver le navire, le Premier ministre reprend aujourd'hui à son compte l'idée d'un gouvernement « non partisan » chargé de gérer les affaires courantes jusqu'aux prochaines élections. Mais ceux que la presse présente comme l'aile dure de son parti refusent catégoriquement ce type de solution. Résultat, la crise est désormais ouverte au sein d'Ennahdha et du gouvernement. Par quoi remplacer le gouvernement actuel ?Les forces regroupées derrière Nida Tunes se présentent comme la seule alternative possible. On y retrouve pêle-mêle l'ancien Premier ministre Caïd Essebsi, de nombreux cadres du parti de Ben Ali, ainsi que des courants issus du centre. Le principal problème de ce pôle est qu'il se situe dans la continuité des politiques néolibérales en vigueur depuis des dizaines d'années. Il est donc dans l'incapacité d'apporter une solution aux problèmes majeurs des TunisienNEs : le chômage et la hausse des prix, particulièrement dans les zones déshéritées de l'intérieur du pays.En réaction à cet assassinat, a été immédiatement mise en place une « Coordination pour la sauvegarde de la Tunisie ». L'opposition à Ennahdha se retrouve maintenant face aux problèmes suivants : cette coordination, qui inclut Nida Tunes, doit-elle servir de base à la constitution d'un gouvernement provisoire ? Faut-il plutôt commencer par définir un programme d'urgence conforme aux revendications économiques et sociales de la grande majorité de la population, permettant la constitution d'un gouvernement sur cette base ? Une telle démarche exclurait alors les forces capitalistes néolibérales, dont Nida Tunes. Le débat est en cours au sein de la gauche tunisienne.Alain Krivine et Dominique Lerouge