Rishi Sunak a récemment pris la succession de l’éphémère Liz Truss au poste de Premier ministre du Royaume-Uni. Bon accueil des « marchés » : rebond favorable de la livre sterling et stabilisation des obligations d’État britanniques. Salué pour son « sérieux », sa « compétence » et la « stabilité », donc, qu’il restaurera peut-être, il arrive au pouvoir désigné par les seuls parlementaires conservateurs.
Sunak, ex-ministre des Finances de Boris Johnson, fut autrefois gestionnaire de hedge funds (fonds spéculatifs) après être passé par la banque Goldman Sachs. Le hedge fund qu’il a lui-même créé en 2009, Theleme Partners, est enregistré aux îles Caïmans et, incidemment, est réputé détenir pour 500 000 livres d’investissement dans les laboratoires Moderna. On ne sut pas si — ni dans quelles proportions — Sunak tira avantage de cette position lorsque le gouvernement passa commande de cinq millions de doses au laboratoire qui venait de mettre au point son vaccin anti-Covid. Interpellé à ce propos au cours de l’année 2020, Sunak lui-même ne jugea pas opportun de faire la transparence sur ce sujet.
Un Premier ministre issu de l’oligarchie
Akshata Murty, l’épouse de Rishi Sunak, dispose d’une part estimée à 690 millions de livres dans l’entreprise de services numériques Infosys, propriété du milliardaire indien Narayana Murty, son père. Les dividendes tirées de cette participation sont estimés à environ 11,5 millions de livres chaque année. À noter : fin 2021, Infosys annonçait avoir resserré ses relations avec le géant pétrolier Shell, avec un nouvel accord lucratif.
Le nouveau Premier ministre « rassurant » de la cinquième puissance économique mondiale, arrivé au pouvoir sans le moindre mandat démocratique, est donc issu du secteur bancaire et des hedge funds, entretient des liens notables avec le secteur pétrolier (auquel il a offert d’amples « incitations » fiscales) par le biais de son épouse et de son beau-père, et le couple a derrière lui une histoire d’opacité et d’évitement fiscaux à large échelle.
Une crise sociale profonde
On a une idée du contexte de crises dans lequel Sunak prend ses nouvelles fonctions. On voit cependant peu apparaitre ceci : 14,5 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté au Royaume-Uni (8,1 millions d’adultes en âge de travailler, 4,3 millions d’enfants, et 2,1 millions de retraitéEs). La hausse des prix massive et la régression continue des salaires, après plus de dix années d’austérité, signifient que 1,3 million de personnes devraient se retrouver en situation de pauvreté absolue en 2023, parmi lesquelles 500 000 enfants. Dans le prolongement de la l’accroissement rapide du nombre des banques alimentaires, en particulier depuis 2013-2014, et après avoir vu nombre d’écoles tenter de se substituer à des services sociaux défaillants, s’organise à présent un réseau inédit de « banques de chaleur » (warm banks) : des musées, des bibliothèques, prévoient l’accueil des personnes contraintes de renoncer à se chauffer à la maison. La question reste de savoir, pour nombre de ces bâtiments publics, comment leurs responsables parviendront à faire face à l’augmentation massive de leurs factures de chauffage et d’électricité.
Les grèves qui viennent
Début août 2022, Sunak, dont la fortune s’élève à 730 millions de livres, se flattait d’avoir réaffecté aux villes de classes moyennes du sud des fonds destinés aux quartiers pauvres des villes du nord du pays. Dans une polarité sociale maintenant parfaite, chacun de ces enfants peut incarner le prix du « sérieux », de la « compétence » et de la « stabilité » enfin de retour selon tant de commentateurs, non plus au service de l’oligarchie régnante, mais maintenant directement aux mains d’un de ses représentants.
Quelques heures avant l’arrivée de Sunak à son poste, c’était au tour de 70 000 personnels du syndicat de l’enseignement supérieur (UCU) répartis dans 150 universités de voter la grève (à plus de 80 %). Le vote des 300 000 adhérentEs du Royal College of Nurses (RCN) est en cours jusqu’au 2 novembre. Même chose pour les 150 000 membres du syndicats des personnels des administrations gouvernementales (PCS, jusqu’au 7 novembre).