Bien que peu relayée dans les médias français, la 13e nuit de mobilisation a rassemblé dimanche dernier des centaines de milliers de manifestantEs qui exigent maintenant la démission du gouvernement.
Incontestablement, le mouvement a franchi une étape. Après avoir arraché le 4 février au soir l’abrogation de l’ordonnance que le gouvernement avait essayé de faire passer en douce dans la nuit du 30 au 31 janvier, puis obtenu la démission du ministre de la Justice auteur de ce décret le 9 février, la mobilisation n’a pas faibli, exigeant maintenant la démission du gouvernement.
Pour celles et ceux qui se mobilisent, il s’agit de mettre le pouvoir politique sous surveillance. « No trust », il n’y a plus « aucune confiance » dans le parti au pouvoir, le PSD, parti social-démocrate. Et il n’est pas dit que les manifestants aient davantage confiance dans le parti rival, le Parti national libéral (PNL), même si Klaus Iohannis, un de ses dirigeants élu président de la République en 2014, avait dénoncé le décret préparé en secret par le gouvernement et s’est montré dans une des manifestations.
De son côté, le gouvernement, incapable pour l’instant de mobiliser un nombre significatif de contre-manifestants, espère sans doute un fléchissement de la mobilisation. Il a annoncé qu’il présenterait un nouveau texte de loi, mais cette fois devant le Parlement où il dirige une majorité confortable.
À ses risques et périls, car le soulèvement populaire s’inscrit dans une longue série de mobilisations qui ont déjà fait chuter le gouvernement PSD précédent. Le Premier ministre d’alors, Victor Ponta, accusé par le DNA (le parquet national anti-corruption) de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale en juin 2015 avait dû démissionner en novembre 2015 après les grandes manifestations provoquées par le scandale tragique de l’incendie de la discothèque Colectiv à Bucarest.
Un mouvement de fond
Ce mouvement se déroule sur fond de véritable feuilleton judiciaire et politique, la mise en examen et la condamnation de plus d’un millier de magistrats et élus, maires de grandes villes et ministres depuis la nomination à la tête du DNA en 2013 de Laura Kodruta Kövesi. Celle-ci a gagné par son courage et sa détermination – les siens et ceux de son équipe –, une popularité énorme. L’action du DNA a suscité la mobilisation de nombreuses ONG qui enquêtent bénévolement, révèlent, mettent en lumière elles aussi les comportement mafieux de toute cette classe politique.
L’ironie de l’histoire, c’est que c’est ce même gouvernement qui, suivant les recommandations des instances de l’Union européenne, a prétendu mener la lutte contre la corruption... Des spots à la télévision mettent en scène les mille et une situations où les citoyens lambda doivent payer des dessous-de-table pour avoir une place à l’école pour leurs enfants, une chambre en hôpital, consulter le médecin, etc.
Mais à côté de cette pratique du bakchich que tous les Roumains connaissent bien pour la vivre quotidiennement, il y a cette corruption de haut vol que révèlent les enquêtes et les procès du DNA : entre autres, l’attribution de marchés publics et le rachat pour une bouchée de pain et grâce à la complicité des pouvoirs en place d’un partie du parc immobilier, des forêts et des terres agricoles reprivatisées dans les deux dernières décennies.
Un trafic juteux... qui a profité à bon nombre des milliers d’entreprises françaises installées en Roumanie.
Galia Trépère