Un rapport d’enquête vient d’établir le lieu d’où est parti le tir qui a abattu l’avion du président rwandais en 1994 et remet en cause la responsabilitéde la France dans le drame qui a coûté la vie à plus d’un million de personnes.
Le 6 avril 1994, deux missiles sont tirés. Le premier rate sa cible, le second touche le réservoir sous l’aile gauche et fait exploser le Falcon 50, piloté par un équipage français, où se trouvaient les présidents rwandais Juvénal Habyarimana, et burundais Cyprien Ntaryamira. Quelques heures après, le génocide au Rwanda débutait, faisant un million de morts Tutsi, mais aussi des Hutu modérés.
Les résultats de l’expertise balistique demandée par les juges d’instruction Trévidic et Poux sont importants à plus d’un titre.
D’abord, ils identifient clairement le lieu du tir des deux missiles dans le camp militaire de Kanombe où était stationnée la Garde présidentielle, fer de lance des extrémistes hutu qui refusaient toute concession au FPR, majoritairement tutsi, et notamment l’accord de paix d’Arusha. Ce camp militaire abritait aussi les coopérants militaires français dont la mission était de former les éléments des Forces armées rwandaises (FAR). Dans les faits, ils encadraient et conseillaient les FAR pour contenir l’avancée du FPR.
Ensuite l’expertise contredit totalement les résultats de l’enquête du juge Bruguière, qui à défaut de se rendre au Rwanda et d’interroger les témoins, s’est contenté de consigner des faux témoignages de Rwandais et d’avaliser les manipulations. Bruguière, proche de Sarkozy et candidat malheureux de l’UMP aux législatives de 2007, avait conclu que les tirs étaient partis de la colline de Masaka, pourtant sécurisée par l’armée rwandaise, sur laquelle un commando FPR se serait infiltré, aurait perpétré l’attentat et serait reparti pour rejoindre sa base, elle aussi étroitement surveillée par les forces de l’ONU. Cette enquête avait débouché sur l’inculpation de neuf dirigeants du FPR.
Enfin, géomètres, acousticiens et experts en balistique ne font que confirmer, dans leur domaine, le déroulement historique du génocide. Les partisans du « Hutu Power », qui voyaient une trahison dans l’accord de Juvénal Habyarimana pour un partage du pouvoir avec le FPR, allaient s’emparer du pouvoir, après l’attentat. La Garde présidentielle élimine alors la Première ministre, Agathe Uwilingiyimana et son escorte militaire belge, qui s’apprêtait à lancer un appel au calme à la radio nationale. Dans ce bras de fer entre hutu modérés et extrémistes, la France choisit et soutient, dès le début et jusqu’à la fin, le camp des génocidaires.
Ce rapport ne fait que conforter les soupçons qui pèsent sur les troupes françaises sur place. Sur la fourniture aux FAR de missiles SA16 utilisés dans l’attentat, il est en effet établi que l’armée française en avait prélevés sur le stock de l’armée irakienne lors de l’intervention de 1991.
Mais aussi sur le maniement de ces armes sophistiquées qui nécessitent une centaine d’heures de formations et d’entraînement. Il est peu probable que les FAR aient été en capacité de manier de telles armes. D’ailleurs dans la guerre avec le FPR, les soldats français réglaient les tirs d’artilleries et ceux de l’armée rwandaise se cantonnaient à la mise à feu.
Ces premiers pas vers la vérité battent en brèche les arguments des négationnistes en France qui ont repris la propagande des extrémistes hutu, attribuant l’attentat au FPR pour lui faire porter la responsabilité du déclenchement du génocide, afin de mieux masquer les responsabilités de la France dans ce massacre.
Les partis de gauche doivent dès maintenant s’engager à créer une commission d’enquête parlementaire pour mettre en lumière les agissements de la France dans la politique de génocide au Rwanda. Cela traduirait une réelle volonté d’en finir avec les agissements délétères de la France en Afrique.
Paul Martial