La présidente de la province sud de la Nouvelle-Calédonie a parlé le 14 juillet (voir l’Anticapitaliste n° 717). Revenons sur le personnage et sur ses propos.
Sonia Backès a derrière elle une carrière politique mouvementée, faite de frictions et de scissions au sein de la droite loyaliste, toujours très à droite, toujours tout près du pouvoir ou au sein des exécutifs de la province sud. Nommée en juillet 2022 secrétaire d’État à la Citoyenneté dans le second gouvernement Borne, elle présente sa démission le 24 septembre 2023 lorsqu’elle est battue aux élections sénatoriales par l’indépendantiste Robert Xowie.
Une rhétorique de la tension
Son allocution, prononcée le 14 Juillet, suit des codes très « Calédonie dans la République française ». Au mur la carte de la province sud, le drapeau bleu blanc rouge, rappelé en médaillon par un pin’s au revers d’une veste... bleue. On s’attend à entendre retentir la Marseillaise... mais non ! Sans doute n’a-t-elle pas osé !
Ses pensées ne vont pas aux victimes civiles qui ont payé de leur vie les affrontements — toutes Kanak ! Non, elle remercie celles et ceux, pompiers, forces de l’ordre, milices, qui ont permis au territoire de surmonter « les basses œuvres de la CCAT » !
Puis, elle réécrit la colonisation ! Elle évoque les missionnaires qui, les premiers, ont apporté leur œuvre civilisatrice, relayés par la France, qui « a pris la suite ». Si elle reconnaît que la colonisation n’a pas été facile pour les autochtones, ce n’est pas tant pour faire œuvre de repentance (elle réfute une « autoflagellation permanente et mortifère ») que pour proclamer que les actuels dominantEs de la Nouvelle-Calédonie française ne sont pas responsables de ce qui s’est passé il y a si longtemps et qu’on ne saurait leur en tenir rigueur. Mieux, ces générations fondent « notre droit inaliénable à vivre sur cette terre et à nous exprimer sur son avenir ».
Ensuite, tout son discours est fait d’oppositions : entre les bons accords de Matignon et les accords ambigus de Nouméa, entre les provinces « qui font fuir les entreprises et les talents [qui] ne peuvent plus bénéficier de recettes fiscales que les autres génèrent », entre « un système [politique] féodal et un système démocratique », entre « un système [économique] communautaire et un système capitaliste », entre « deux civilisations qui se côtoient en Nouvelle-Calédonie », entre « l’eau et l’huile ». Tout est dit car chacun sait que ces deux liquides ne se mélangent pas !
Ultralibérale, raciste, séparatiste !
Conclusion logique : soit on s’affronte, soit on se sépare ! Confrontée à une CCAT « raciste », à « cette partie de la population qui ne souhaite pas le vivre-ensemble », qui fait preuve « d’une haine sans limites » et veut d’un « pays sans nous », comment pourrait-on reprocher à l’édile bleu-blanc-rouge de vouloir la séparation ?
Alors, elle décline sa vision d’un territoire où régnerait un ordre colonial et ultralibéral. À chacun son projet, à chacun son mode de vie, à chacun sa fiscalité, libéré de la chienlit indépendantiste, une zone d’ordre et de travail, exempte de toute entrave — « l’administration pèse trop lourd ! » —, sans assistés — « réviser les aides sociales ». Un pays au sein duquel l’école serait « le creuset de notre société ordonnée, travailleuse, progressiste, qui rayonnerait au sein de la république française ». C’est beau comme du Macron !
Pour prendre date ?
Sonia Backès sait qu’il faudra un jour se remettre autour d’une table pour négocier. Elle semble, par son discours, prendre date en avançant des thèmes très « macroncompatibles », emprunts d’une tonalité fascistoïde tout à fait dans l’air du temps. Et elle prévient : « Il n’y aura pas de nouveau référendum », « Je ne pardonnerai pas ». Tout ceci ressemble à s’y méprendre à un idéal d’apartheid !
Louison Le Guen