Les promesses de dons annoncés lors de la conférence de Paris du 15 avril, organisée conjointement par la France, l’Allemagne et l’Union européenne, cachent l’absence de volonté de mettre fin à une guerre en imposant un embargo sur les armes.
Ont participé à la conférence 58 pays, les Nations unies, l’Union africaine, des organisation régionales d’Afrique de l’Est et des bailleurs de fonds. La conférence s’est déroulée en trois volets, l’un portant sur les questions humanitaires, le deuxième en soutien aux initiatives de paix et un dernier se déroulant à huis-clos regroupant les parties soudanaises.
Une catastrophe humanitaire
La principale annonce est la promesse d’un don d’un peu plus de 2 milliards d’euros pour répondre aux besoins urgents des populations. Les principales organisations humanitaires estiment qu’il en faudrait le double au vu des conditions désastreuses.
En effet, à l’intérieur du Soudan on compte 9 millions de personnes déplacées et près de 2 millions dans les pays voisins. Plus de 27 millions, soit la moitié de la population a besoin d’une aide et parmi elle, 18 millions sont en situation d’insécurité alimentaire avec un risque de famine pour au moins 5 millions de personnes.
Cette situation est la conséquence de la guerre que se mènent depuis un an le général Al-Burhan des « Sudanese Armed Forces » (SAF) et les paramilitaires des « Rapid Support Forces » (RSF) dirigées par Hemedti. Les deux s’étaient entendus auparavant pour avoir tenté d’écraser la révolution en menant un coup d’État.
Une guerre qui s’étend
Les SAF dans les territoires qu’elles contrôlent ont remis en place le système répressif de l’ancien régime d’Omar el-Bashir. Les forces de répression surveillent les populations et les escadrons de la mort s’en prennent aux citoyens soupçonnés d’être du camp adverse ou d’avoir été activiste lors de la révolution. Les islamistes ont largement infiltré les SAF et procèdent aux enrôlements de jeunes dans les villages. Du côté des RSF, comme il y a vingt ans lorsqu’ils étaient connus sous le nom de « janjawids », elles procèdent au Darfour à des épurations ethniques. Elles s’allient avec certaines milices des tribus et attaquent et tuent les populations non arabes notamment les Massalits. Ces circonstances conduisent certains groupes armés qui avaient observé une neutralité à s’engager aux côtés des SAF. Cette guerre qui a commencé entre les deux factions est en train de se transformer en guerre civile et se répand sur l’ensemble du territoire. Un contexte d’autant plus grave que les deux belligérants s’échignent à empêcher la distribution de l’aide humanitaire.
Hypocrisie et compromission
Dans la déclaration de principe issue de la conférence de Paris est indiqué au point quatre : « Nous demandons instamment à tous les acteurs étrangers de cesser d’apporter un soutien armé ou du matériel aux parties au conflit et de s’abstenir de toute action qui exacerberait les tensions et alimenterait le conflit. » Ce texte est signé entre autres par les États arabes unis et l’Égypte. Alors que l’un fournit armes et munitions aux RSF via la Libye et le Tchad notamment en utilisant l’aérodrome d’Amdjarass, l’autre soutient militairement les SAF. Une guerre qui est en train de s’internationaliser avec la Russie et ses mercenaires de Wagner d’un côté, et de l’autre la Turquie mais aussi l’Ukraine en soutien aux SAF.
La meilleure façon d’arrêter cette guerre serait de cesser l’approvisionnement en armes. Les pays occidentaux ont suffisamment de leviers pour imposer cet embargo mais ils préfèrent se cantonner à de simples déclarations.
Cette conférence est loin de faire l’unanimité. Le comité des Soudanais en France souligne l’opacité des critères d’invitations et constate que les organisations populaires étaient marginalisées. Pourtant les comités de résistance, forces vives de la révolution, jouent un rôle crucial dans l’aide des populations avec les mises en place de « salles d’urgence » et représentent, à travers la Charte révolutionnaire du peuple, une vraie alternative.
Paul Martial