Publié le Dimanche 13 octobre 2013 à 12h15.

Soudan : la dictature ébranlée

En menant une politique répressive, intégriste et ethnique, Omar el-Béchir a précipité la scission de son pays entre le Soudan et le Sud-Soudan composé essentiellement d’animistes et de chrétiens. Une crise dans laquelle s’engouffre aujourd’hui la mobilisation populaire...Avec la scission, c’est donc plus des trois quarts des ressources pétrolières qui ont été perdues pour le Soudan, autant de revenus en moins pour ce pays. À cela s’ajoute la crise pétrolière qui a éclaté entre les deux pays, depuis l’accession du Sud-soudan à l’indépendance et qui le prive quasiment des revenus de transit de l’or noir. Ainsi, les observateurs considèrent que 60 % des revenus du pays s’en trouvent amputés.Cette crise, Omar el-Béchir est bien disposé à la faire payer à sa population, notamment les populations les plus fragilisées et premières touchées par la mesure de suppression des subventions au prix des carburants. Ainsi les dirigeants islamistes appliquent-ils les mêmes mesures que celles préconisées par le FMI et la Banque mondiale et qui font des ravages, notamment sur le continent africain. Et ce sont les plus pauvres, ceux qui habitent loin du centre ville, qui doivent supporter la plus forte augmentation des coûts de transport.La clique au pouvoir préfère consacrer les deux tiers de son budget à la guerre en négligeant les populations dont la moitié est considérée comme pauvre.Omar el-Béchir a pris le pouvoir en 1989 par un coup d’état qui a renversé Sadeq al-Mahdi pourtant élu, et a dissous les partis politiques, l’Assemblée nationale, instaurant une dictature islamiste en menant une politique de répression sur les minorités. Ce qui lui vaut une inculpation pour crime contre l’humanité par le Tribunal pénal international.

Imposer le départ de BéchirDe nombreuses manifestions sont en train de s’étendre sur l’ensemble du pays contre cette politique d’austérité. Le régime de Béchir a déclaré qu’il maintiendrait coûte que coûte cette mesure, et tente de l’imposer à l’aide d’une répression implacable, qui a déjà fait des dizaines de morts, et en procédant à de nombreuses arrestations de militants des partis de l’opposition.Dans le même temps, il désinforme les populations en expliquant que ces manifestations sont des manœuvres de rebelles armés du Darfour et du Sud Kordofan. Ainsi il n’hésite pas à brandir le chiffon rouge d’une attaque de ces rébellions sur Khartoum, la capitale du Soudan, et par là-même il tente d’effrayer tous les individus sur le risque de massacres qu’ils encourraient si une telle éventualité se produisait. De nouveau el-Béchir tente de rester au pouvoir en instillant une politique ethniciste contre les populations des périphéries de Khartoum.Les mobilisations populaires, qui se font de plus en plus fortes, prennent un tour directement politique et mettent le pouvoir en cause en exigeant le départ du dictateur. La classe dirigeante se montre plus prudente dans son soutien à el-Béchir : ainsi ce sont 31 cadres du Parti du Congrès national, le parti islamiste au pouvoir, qui se désolidarisent de leur chef, condamnent la répression et appellent à la suppression de cette mesure. Ce fait est d’autant plus alarmant pour Béchir que, parmi les 31 signataires de ce mémo, se trouvent des responsables de l’armée. Il n’est donc pas sûr que cette dernière continue encore longtemps à le soutenir. Une opportunité dont pourrait bien se saisir une population exaspérée pour imposer un changement.

Paul Martial