Publié le Samedi 2 avril 2022 à 12h00.

Starbucks : la campagne de syndicalisation aux États-Unis prend de l’ampleur

La campagne de syndicalisation des baristas de Starbucks aux États-Unis prend de l’ampleur. Au cours des six derniers mois, les travailleurs de 150 magasins appartenant à l’entreprise ont déposé des demandes d’élections syndicales auprès du National Labor Relations Board et des victoires ont été remportées à New York, en Arizona et dans l’État de Washington.

«Nous voulons enfoncer la porte de toute l’industrie de la restauration », a déclaré Sarah Pappin, une employée de Starbucks à Seattle.

David contre Goliath ?

Du point de vue du ou de la travailleurE individuel, qui peut être une jeune femme travaillant à temps partiel et gagnant 12 dollars de l’heure (66 % des salariéEs de Starbucks sont des femmes), il s’agit d’une bataille de David contre Goliath. Les 349 000 employéEs de la société cherchent à s’organiser magasin par magasin, et il y a plus de 9 000 magasins appartenant à la société et 15 000 magasins au total (avec les franchises) aux États-Unis. Un magasin Starbucks typique compte 20 employéEs qui travaillent à temps plein ou à temps partiel pour un salaire compris entre 9 et 14 dollars de l’heure. Sous la pression de la campagne syndicale, Starbucks affirme qu’il paiera ses employéEs 17 dollars de l’heure d’ici cet été.

Si on regarde du côté de l’entreprise, le PDG de Starbucks, Kevin Johnson, qui vient de démissionner, gagnait plus de 20 millions de dollars par an. L’année dernière, la société a réalisé des recettes de 29 milliards de dollars et des bénéfices de 4,2 milliards de dollars. Elle a tout l’argent du monde pour combattre le syndicat, et elle le fait avec des équipes de publicistes, d’avocats et d’espions.

Qu’est-ce qui a conduit à cette campagne de syndicalisation ? Le Covid a joué un grand rôle. Les employéEs de Starbucks sont des travailleurEs de première ligne qui traitent avec le public tous les jours. Pendant la pandémie, certains magasins Starbucks ont été contraints de fermer, les horaires des employéEs ont été modifiés pour remplacer leurs collègues malades, et dans certains magasins, les conditions se sont considérablement détériorées. La pandémie a conduit les travailleurEs de Starbucks, comme beaucoup d’autres, à se demander : « Pour quoi travaillons-nous ? Ne devrions-nous pas être mieux traités, mieux payés, avoir plus de poids sur notre lieu de travail ? »

« Il est important de former un syndicat »

Les travailleurEs ne pouvaient pas s’attendre à ce que l’entreprise prenne soin d’elles et eux. Comme l’a dit Sydney Durkin, un travailleur de Starbucks à Seattle : « C’est une grande entreprise, et les entreprises font de l’argent sur la différence entre leurs profits et les coûts de la main-d’œuvre. Donc, il n’y a aucune raison pour qu’elles aient notre intérêt à cœur, ce qui, je pense, est la raison pour laquelle il est si important de former un syndicat. » Ses collègues étaient d’accord et ils et elles ont voté pour le syndicat à 9 contre 0.

Comment les travailleurEs s’attaquent-ils et elles au monstre ? Les travailleurEs de Starbucks ont formé un syndicat appelé Workers United, affilié à l’un des plus grands syndicats des États-Unis, le Service Employees International Union (SEIU). Beaucoup de travailleurEs sont jeunes – l’âge moyen des travailleurEs de Starbucks est de 24 ans – et les réseaux sociaux (sites Web du syndicat, courrier électronique, Facebook, Twitter, Instagram et Tik-tok) jouent un rôle important dans leurs communications. Mais comme dans toute organisation syndicale, ce qui est essentiel, ce sont les conversations en face-à-face avec les collègues de travail pour les convaincre de la nécessité d’un syndicat et de s’impliquer dans l’organisation

Dans certaines régions, les socialistes aident les travailleurEs de Starbucks. Bernie Sanders s’est prononcé en faveur de la campagne. À Seattle, Kshama Sawant, conseillère municipale et membre de Socialist Alternative, a soutenu leur cause. L’organisation Democratic Socialist of America (DSA) est également impliquée dans plusieurs États.

« Un moment historique pour les travailleurs de Starbucks »

Selon le droit du travail étatsunien, dès qu’au moins 30 % des travailleurEs expriment leur intérêt pour la formation d’un syndicat, ils et elles peuvent déposer une demande d’élection, bien que le syndicat souhaite généralement obtenir l’engagement d’une majorité ou de deux tiers des travailleurEs. Dès que les travailleurEs déposent un dossier, l’entreprise commence à riposter, en intimidant certains travailleurEs et en offrant des cadeaux à d’autres. Des travailleurEs ont accusé Starbucks de violer le droit du travail. La procédure peut prendre des mois.

« C’est un processus juridique laborieux », déclare Colin Cochran, un employé de l’un des magasins de Buffalo. « Cela ne devrait pas être aussi difficile... mais à la fin de la journée, les gagnants gagnent ». « C’est un autre moment historique pour les travailleurEs de Starbucks et les travailleurEs du secteur des services à travers le pays », souligne Michelle Hejduk, qui travaille dans un Starbucks en Arizona. « Ce mouvement a commencé à Buffalo, et nous l’avons maintenant diffusé à travers tout le pays ».

Traduction Henri Wilno