Publié le Mercredi 9 octobre 2024 à 09h00.

Sur les élections en Algérie du 7 septembre 2024

Le président Abdelmadjid Tebboune a annoncé le 21 mars 2024, par un simple communiqué, la tenue d’une élection présidentielle anticipée le 7 septembre 2024. Retour sur ces élections et leurs résultats. Devant la confusion liée au caractère anticipée de ce scrutin et le choix de la date, sont avancés des explications liées à la « géopolitique » et de « menaces extérieures ». Rapidement après son annonce, A. Tebboune a réduit l’élection par des considérants « techniques ». Faire la collecte des parrainages et la campagne électorale en pleine période des grandes chaleurs a été considéré, par plusieurs observateurs et acteurs politiques, comme une volonté délibérée de fermer le jeu politique à l’occasion de ces élections.

 

Une campagne faussée

Après la fin de la collecte des parrainages, l’ANIE1 n’a retenu que trois candidatures : le président sortant, A. Tebboune ; Youcef Aouchiche du FFS et Rachid Hassani du MSP, après qu’il a liquidé son mentor Abderrazak Makri. Ces trois candidatures correspondent aux trois grandes tendances politiques importantes en Algérie. Si la secrétaire générale du PT, Louisa Hanoune, a collecté les parrainages, ceux-ci ont été bloqué par l’ANIE. Cette dernière a alors décidé de se retirer de la course, marquant le signe avant-coureur d’une élection discutable. La campagne électorale a été fade et sans aucun « enjeu » aux yeux des masses. Nous avons mené une vraie campagne politique contre l’autoritarisme ambiant et la crise sociale. La campagne n’a pas changé grandement les rapports de forces, mais elle est très utile pour les luttes de demain.

Des syndicats, des associations, des organisations de masse et des imams ont affiché publiquement leur soutien au président sortant, même si la loi interdit ce genre de pratique. Mais l’ANIE a fermé les yeux. Cette campagne a été également marquée par un cycle d’arrestations de plusieurs acteurs politiques. Ce qui n’a fait que renforcer le camp de l’abstention.

 

Une élection truquée

Les taux de participation annoncés par l’ANIE le jour du scrutin ne correspondent à aucune réalité. En septembre 2024, le taux de participation à 17h était de l’ordre de 26,45 % contre 33 % lors de l’élection de décembre 2019, soit 7 points de moins, lié à un boycott très actif de millions de personnes. Mais l’ANIE a annoncé un taux de participation à 21h de 40 %, comme si nous étions devant un grand sursaut populaire ! Probablement soucieux de masquer l’ampleur de la désaffection populaire, Mohamed Charfi, le président de l’ANIE, avait pris quelques libertés avec la transparence en annonçant une « moyenne de taux de participation » de 48,03 %, basée sur les taux de participation dans les wilayas (départements) divisés par leur nombre, 58.  Le taux de participation est, en réalité, probablement inférieur à 25 %, si l’on rapporte le nombre de suffrages exprimés, 5 630 196, aux 24 351 551 inscrits sur les listes (le nombre de bulletins nuls ou blancs n’ayant pas été donné).

Le lendemain de l’annonce des résultats, les directions de campagne des trois candidats ont signés un communiqué pour dénoncer et remettre en cause les chiffres du premier responsable de l’ANIE. C’est une première en Algérie que le vainqueur remette en cause les chiffres de sa propre victoire électorale, mais sans qu’il dépose un recours... Ce qui nous amène à conclure que nous sommes face à cadeau empoisonné, comme le suggère l’ex journaliste du quotidien El-Khabar, Otmane Lahiani.

 

Analyse politique

La lecture politique et le sens de la contestation des résultats par les trois candidats auront des conséquences graves sur le futur premier magistrat du pays. Cela va surement fragiliser sa position et accentuer l’isolement politique de A. Tebboune au sein du pouvoir d’État, voire réduire « sa marge de manœuvre ». C’est également un indicateur que le régime ou le futur président n’a pas pu renouveler sa base sociale et asseoir son hégémonie politique sur la société. Les chiffres annoncés par l’ANIE indiquent qu’il n’aurait progréssé que de 357 740 voix en cinq ans. Ainsi, la crise du régime politique en Algérie qui s’est accentué en 2019 risque de se prolonger à court et moyen terme. o

  • 1. L’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) est l’organisme algérien chargé de toute opération électorale et référendaire, créé à la suite des manifestations de 2019 en Algérie.