Le régime de Bachar Al Assad, chaque jour plus répressif envers la révolution populaire, est de plus en plus isolé. Les Nations unies proposent un départ du dictateur tout en maintenant le régime en place, une solution inacceptable pour les Syriens qui risquent leur vie chaque jour. Les réactions au massacre de Houla près de Homs, perpétré par les forces du régime et ses milices, et qui a fait une centaine de victimes dont des dizaines d’enfants, se sont révélées intransigeantes, condamnant le régime en place. Plusieurs pays ont expulsé les ambassadeurs syriens pour renforcer l’isolement du régime. Ces réactions sont à même de préparer le terrain à la rencontre de Kofi Annan avec Al Assad à la fin du mois de mai et un prélude à la visite de Poutine en France et aux États-Unis.
Cela s’inscrit dans le cadre d’une politique de pression permanente sur le régime d’Al Assad et alors que ce dernier émet des signes d’affaiblissement interne, le plus important étant la grève des commerçants de Damas du 28 mai et celles qui ont suivi comme à Alep. L’abandon du régime d’Al Assad par la bourgeoisie commerçante serait un indice majeur de la décomposition importante de la base sociale du régime syrien Or, ceci est concomitant du fait que la clique au pouvoir s’appuie davantage sur les brigades militaires qui lui sont affidées, notamment ses milices, les chabbiha, pour affronter les protestations populaires.
Avec la poursuite du soutien des gouvernements russe, chinois et iranien, les alliés du régime assassin, les positions américaine et européenne affichées jusqu’à présent déboucheraient, elles, sur une « transition organisée » ou d’une forme de « solution à la yéménite », à savoir le départ d’Al Assad et de membres de son régime avec le maintien de ses autres bases.
L’objectif de l’initiative d’Annan n’est pas si éloigné de ce scénario souhaité par les gouvernements occidentaux et nous ne pensons pas que le gouvernement de Poutine lui-même l’en empêcherait à condition qu’il se réalise « sans intervention militaire » et avec l’accord des deux parties, « gouvernement et opposition ». Le chantage au départ du dictateurDes forces de l’opposition syrienne ont accepté cette solution et marchandent l’initiative d’Annan en vue de cette issue. D’aucunes ont décelé dans la présence d’observateurs de la Ligue arabe à la fin de l’année dernière, et aujourd’hui dans celle d’observateurs internationaux, un prélude à la réalisation d’une « transition organisée » se bornant au départ du dictateur et maintenant les fondements du régime. Il n’est toutefois pas le seul, même s’il exige la réalisation de toutes les clauses du plan Annan avant de passer aux négociations avec les parties du régime qui « n’ont pas de sang sur les mains » pour envisager la période transitoire.
La question qui en découle inévitablement est double : la première chose est de savoir si les masses insurgées et la dynamique révolutionnaire accepteront une solution d’en haut se bornant au départ de symboles du régime ancien et au maintien de ses bases compte tenu des sacrifices énormes qu’elles ont consentis ? Et la seconde : est-ce que la nature et la structure du régime dictatorial des Al Assad supporteront une solution reposant sur le départ du dictateur avec certains de ses équipiers sans que cela signifie l’effondrement effectif du régime tout entier ?
Nous croyons pour notre part que les deux dynamiques de la révolution syrienne, à savoir sa radicalisation politique et sociale en profondeur, qui pousse à la chute du régime tout entier et à la réalisation de changements politiques et sociaux radicaux d’une part, ainsi que la nature du régime dictatorial fermé et sauvage, totalement hermétique à toute réforme d’autre part, empêchent toute possibilité de réalisation d’une solution venue d’en haut à la « yéménite » évoquée précédemment. Et que toute « transition ordonnée » ou solution yéménite en Syrie signifient et requièrent pour leur réalisation, soit une intervention militaire étrangère, à laquelle la plupart des grandes puissances clament leur hostilité, ou bien une défaite de la révolution populaire syrienne. Dans les deux cas, notre position, la position de la gauche révolutionnaire syrienne, repose sur le refus de cette solution d’en haut « yéménite » tout comme de l’intervention militaire étrangère qui signifieraient toutes deux l’écrasement et la défaite de la révolution populaire. Révolution permanente jusqu’à la chute de l’oppression et de l’exploitation !
Ghayath Naissé