Publié le Mercredi 12 octobre 2016 à 20h55.

Syrie : Poutine, de Grozny à Alep...

Le 19 octobre prochain, Vladimir Poutine devait venir à Paris. Il est le chef d’un des impérialismes les plus belliqueux de ces dernières années, bourreau des Syriens.

Ce qui se passe à Alep reproduit aujourd’hui ce qui s’est passé à Grozny, la capitale de la Tchétchénie pendant l’hiver 1999-2000, quand la Russie a décidé de déloger 7 000 combattants tchéchènes de Grozny, qui comptait alors 250 000 habitantEs : la destruction totale par des tapis de bombes, aboutissant à vider la ville de ses habitants, soit en les tuant, soit en les forçant à fuir la ville par des passerelles soi-disant « sécurisées »... mais aussi bombardées. Mais la version poutinienne de la « guerre contre le terrorisme » est confortée par les bombardements des impérialismes occidentaux eux-mêmes en Irak et en Syrie.

Politique de la terre brûlée

Dans sa dernière interview, le boucher Assad a dit que les rebelles d’Alep n’ont d’autres choix que de se rendre ou « de faire face à leur inévitable fin ». Le régime syrien et ses alliés russe et iranien laisseraient des « passerelles » pour la fuite des civils. Il propose aussi le départ d’environ mille combattants de Fateh Alsham (le nouveau nom du groupe Al Nosra-Al Qaida), ainsi que de six mille combattants dont l’obédience varie du salafisme djihadiste comme Ahrar Alsham jusqu’aux groupes se réclamant de l’Armée syrienne libre. Mais la Russie exige que les autres combattants signent une déclaration de non-engagement avec Fateh Alsham et acceptent de coordonner la sécurité dans les quartiers Est « libérés » d’Alep en concertation avec les forces du régime d’Assad. La Russie ne demande en réalité rien d’autre que la capitulation de ces combattants et de la population de 250 000 habitantEs qui ont voulu échapper à la tyrannie du régime, ou leur départ d’Alep.

En effet, les quartiers « libres » d’Alep connaissent un déluge de feu depuis la fin de la trêve précaire le 19 septembre. La Russie a transformé ces quartiers en champs d’expérimentation de ses armes les plus destructrices. Le gouvernement Poutine a même fait la publicité commerciale de sa puissance meurtrière ici testée. À titre d’exemple, depuis l’annonce de la fin de la trêve, l’aviation russe a effectué 300 raids sur les quartiers Est d’Alep, détruisant les maisons et tout ce qui reste comme infrastructures. Le nombre de civils syriens tués sous les bombardements russes depuis seulement un an dépasse le nombre de ceux tués par le groupe terroriste le plus barbare, Daesh, depuis sa fondation en avril 2013. Le régime syrien et l’impérialisme russe appliquent le scénario de Grozny sur Alep, et sur toutes les villes rebelles : la politique de la terre brûlée.

Le calvaire du peuple syrien à Alep et dans toutes les régions assiégées ne semble pas devoir s’arrêter. Au-delà de réprobations symboliques, ce peuple meurtri depuis cinq ans est délaissé pour affronter son « ­inévitable fin » !

Poutine, ce boucher des peuples

L’approche russe d’une solution militarisée était la raison principale de la suspension d’un accord USA-Russie signé début septembre. Cela a été confirmé il y a une semaine par le vote à l’unanimité de la Douma (Parlement russe) pour une présence « permanente » de la force aérienne russe en Syrie. Ainsi la Russie se transforme en puissance colonialiste.

Par ailleurs, l’offensive militaire appelée « bouclier de l’Euphrate » et menée par l’armée turque en commun avec des factions de l’ASL au nord d’Alep, s’étend sur la région, séparant les deux cantons de l’Est celui de Kobané et celui d’Efrin à l’Ouest aux dépens à la fois de Daesh et des forces kurdes du PYD. Mais dans cette zone, la population s’organise à nouveau : des coordinations populaires ont été créées, des manifestations ont eu lieu, en particulier le 7 octobre, renouant avec les slogans de la révolution populaire. Les forces militaires et civiles syriennes libres s’activent pour gérer directement la vie courante, et empêcher l’installation d’une zone d’influence turque dans cette région… C’est la lutte que mènent les forces démocratiques et de la gauche révolutionnaire.

Des manifestations populaires se sont aussi déroulées dans les villes de Qudsia et Alhama, près de Damas, « pour la paix et contre la guerre » et dans la ville de Babila en soutien à Alep.

Malgré le tableau très noir de la situation en Syrie, on voit l’émergence de nouvelles perspectives de résistance populaire et démocratique contre toutes les forces impérialistes et contre-révolutionnaires. Elles ont besoin d’une solidarité internationaliste solide, ce qui lui a manqué jusqu’à aujourd’hui. Les autorités françaises, qui elles-mêmes ont du sang sur les mains, ont peut-être fait les gros yeux mais restent prêtes à recevoir Poutine, un des plus sanguinaires bouchers des peuples.

Ghayath Naisse