Publié le Jeudi 19 décembre 2024 à 14h30.

Syrie : un cauchemar se termine, vers quel espoir ?

Bachar al-Assad est tombé. Personne ne le regrettera. En vingt ans de dictature et dix ans de guerre civile, lui et sa clique auront réussi à transformer la Syrie en une dystopie infernale.

Sans doute pire que l’Irak sous Saddam Hussein, et pourtant ce dernier avait mis la barre très haut, la Syrie, ou du moins ce qu’il en restait, n’était plus qu’un immense laboratoire de Captagon, tenu par des dealers aussi corrompus que vicieux. Ils ne laissaient à ceux et celles du peuple syrien qui n’avaient pas quitté ce pays mort-vivant, une seule perspective, la misère et les souffrances et un seul choix : devenir victime ou bourreau.

Personne ne s’attendait à ce que le régime tombe de cette façon, aussi rapidement. Cela prouve qu’il était pourri jusqu’à la moelle et qu’il ne tenait plus sur rien. Uniquement sur la peur qu’il pouvait encore produire sur ceux qui étaient censés protéger l’État et par la grâce de ses alliés. Lorsque l’offensive de HTC (Hayat Tahrir al-Cham) s’est produite, le Hezbollah, qui avait combattu au côté de l’armée syrienne contre Daesh, et la Russie qui avait maintes fois sauvé le régime n’étaient plus là. Quant aux soldats de l’armée syrienne, ils ont baissé les armes plutôt que de mourir pour un Caligula.

Une divine surprise pour Netanyahou

Bien sûr, tout le monde ne se réjouit pas pour de bonnes raisons. Pour le gouvernement israélien, c’est une surprise, sans doute une divine surprise. Aussi, dès le lendemain de la chute du clan Assad, l’armée israélienne a lancé une campagne de bombardements aussi illégale qu’inédite depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale qui vise à détruire l’ensemble des infrastructures militaire de la Syrie, conduisant plus de 600 frappes en moins d’une semaine. Le dernier en date sur un dépôt d’armes dans le port militaire de Tartous a créé une explosion et un séisme d’une magnitude 3 sur l’échelle de Richter. Pour combien de morts ? Aucune idée.

Aujourd’hui, la Syrie est essentiellement un pays démilitarisé. Surtout, l’État israélien a dénoncé les accords de 1974 et s’est enfoncé en territoire syrien en occupant au nord le mont Hermon dans le Rif Dimashq, à une vingtaine de kilomètres de Damas, à l’ouest jusqu’à Qouneitra et au sud dans les premiers villages du Gouvernorat de Daara près de la frontière jordanienne. Dans le même temps, Netanyahou annonçait au monde entier qu’Israël occuperait le Golan pour l’éternité, tandis que son gouvernement proposait une loi pour doubler la population des colons juifs dans le Golan occupé.

La machine colonisatrice d’Israël

Pour le gouvernement israélien, le génocide à Gaza, la destruction d’une partie du Liban et maintenant l’occupation de nouvelles portions de terres syriennes ne sont que la continuation d’une seule et même politique, c’est-à-dire la mise en œuvre du projet messianique et fasciste du Grand Israël, le retour aux frontières bibliques de la terre d’Israël. Peu importe que le cadastre biblique soit peu précis, et que même chez les messianiques sionistes, on ait du mal à s’accorder sur où placer les frontières. Jusqu’au Sinaï, jusqu’au désert Jordanien, jusqu’au fleuve Litani au Liban et au Mont Hermon en Syrie, ou jusqu’à l’Euphrate en Irak ? Ce qui importe c’est que la machine colonisatrice ne s’arrête pas et avec elle la guerre contre « la jungle arabe » non plus. Netanyahou, qui sait que si la guerre s’arrête, son pouvoir tombera, continuera aussi longtemps qu’il le pourra.

Pour la Syrie et le peuple syrien, tout commence. Il faudra sortir de la guerre civile dans un pays ravagé, tenter de retrouver l’espoir d’une vie nouvelle, créer un espace démocratique pour l’ensemble des Syriens et des Syriennes, et de toutes leurs communautés. Il faudra aussi trouver un compromis avec le peuple kurde. Face à eux, Israël, soutenu par les États-Unis, mais aussi la Turquie d’Erdogan, qui est déjà présent en Syrie et masse ses troupes à la frontière juste devant Kobané, considèrent le dépeçage de la Syrie avec gourmandise.

Thomas Rid