Jeudi 20 juin, deux membres de l’opposition syrienne démocratique tenaient à Paris une conférence de presse tentant de secouer l’indifférence que subissent les quatre millions d’habitantEs et réugiéEs de la région d’Idleb (ou Idlib) en Syrie. Ceux-ci sont soumis à la fois au blocus et aux bombardements cyniques et meurtriers du régime syrien et de ses alliés, et à l’oppression des milices d’Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex Al Nosra liée à Al-Qaeda) qui ont pris le dessus parmi les forces armées s’opposant à Assad.
Cette conférence de presseétait animée parBrita Hagi Hassan, président du Conseil local d’Alep, en grève de la faim depuis le 8 juin, qui a publié l’appel « Sauvez Idlib » dans la presse française, et Akram al Ahmed, directeur du Syrian Press Center, président de la Charte éthique des médias syriens. Le maire a dû fuir Alep-Est à la chute de la ville fin 2016 pour se réfugier en France. La plupart des AlépinEs refusant le joug du régime syrien se sont réfugiés dans la région d’Idleb, comme ceux de la Douma orientale et de toutes les régions écrasées par les bombardements et la politique de la « terre brûlée » que mène Bachar al-Assad. Il s’agit de la dernière zone de refuge du peuple syrien insurgé, alors que les frontières jordanienne et turque sont fermées, sans même parler de celles d’une Union européenne.
Une « désescalade » pour mieux reprendre l’offensive
Brita Hassan dénonce le scandale que constitue l’abandon par la « communauté internationale » de ces populations qui subissent, depuis le mois d’avril, une offensive féroce des forces d’Assad soutenues par l’aviation russe, avec un nouveau déplacement de plus de 500 000 habitantEs qui ont tout perdu. Plus de 200 000 d’entre elles et eux se massent actuellement à la frontière turque, sous les oliviers, et n'ont même pas une tente pour les protéger du soleil et de la pluie. 1 million d’enfants sont de nouveau déscolarisés.
Un « accord de désescalade » avait pourtant été signé en septembre 2018 sous la pression de la Russie et de la Turquie, deux « parrains » avec leur propre jeu trouble, qui devait mettre fin aux actions militaires dans cette zone surpeuplée. Comme à chaque fois, l’armée d’Assad a utilisé le temps de la trêve pour se réorganiser, obtenir des informations actualisées sur les infrastructures, en particulier hôpitaux, centres de communications… pour repasser ensuite à l’offensive. Depuis le mois d’avril, ce sont ainsi 25 hôpitaux et centres médicaux, de nombreux entrepôts et marchés, des écoles, et 35 000 maisons de 200 localités de la région qui ont été détruites par les bombardements incessants du régime et de ses alliés, faisant de nombreux mortEs et blesséEs. Cette offensive a permis aux troupes d’Assad de reprendre 20 villages dans un premier temps. Mais les populations, manifestant dans la rue leur colère contre les forces islamistes de HTS qui avaient récemment préféré combattre les autres forces rebelles que le régime pour asseoir leur domination sur la région, ont forcé les diverses milices à défendre la région contre les forces d’Assad et du régime iranien, ce qui leur a infligé plusieurs défaites sur le terrain et freiné l’offensive en cours.
Catastrophe humanitaire en cours
À l’heure actuelle, c’est donc la perspective des bombardements permanents contre les zones civiles qui se renforce. La rage étreint ce peuple martyrisé, constatant l’abandon qu’il subit face à Assad et ses alliés, et face aux forces intégristes qui marquent des points militairement, mais toujours pas dans le contrôle des esprits et des structures de la société civile. Les deux opposants se font les porte-parole d’une exigence de solutions d’urgence face à la catastrophe humanitaire en cours, et aussi pour la libération des 100 000 prisonniers politiques et disparus menacés d’extermination par le régime criminel syrien, dimensions pourtant parfaitement identifiées par les institutions internationales comme l’ONU.
Les anticapitalistes et révolutionnaires se doivent de relayer ces exigences, et, face à trop d’aveuglement, y compris à gauche, se doivent d’affirmer sans cesse la nécessaire solidarité de peuple à peuple contre tous les pouvoirs oppresseurs, quels qu’ils soient.
Christian Babel, Pierre Bellenger et Pierre Arnaud